Rarté 22/11/2022
RARTÉ
Jeanne et son époux Aristide Merluchon avaient bâti un hôtel délicieux en bois rouge de pandanus
dans une cocoteraie sablonneuse adossée à une falaise au nord de l’île du silence. Ils étaient venus
s’installer sur Rarté, une planète jumelle de notre Terre. La vie y était semblable, sauf ce qui y était différent.
Par exemple, les Rartiens exerçaient des professions telles que ramasseur de feuilles mortes à la pelle,
maquilleuse de réalité...
Edenède, était épieur de non-dits. Il partit pour l’île du silence et se voyait déjà chasser les mots, les
phrases et sentiments non-dits et, plus difficile mais tellement gratifiant, les émotions non-dites. Il ne put
s’empêcher de sourire à l’idée que, si sa chasse se révélait fructueuse, les autorités locales devraient
rebaptiser cette île. Edenède avait pris soin de vérifier que l’hôtel des Merluchon offrait tout le confort
nécessaire : tripadvisor affichait la meilleure note. Les avis encensaient le service des souffleurs de
poussière d’étoiles. L’hôtel était même doté d’une piste d’atterrissage équipée de lucioles éclairantes à BH
élevées. Eh oui, sur Rarté, l’intensité lumineuse ne se chiffrait pas en Lux, mais en BH comme Bonne
Humeur. Les marchandes de fou rire maintenaient le niveau de bonne humeur des lucioles et
déclenchaient leurs rires. Plus elles riaient, plus les lucioles devenaient lumineuses. La piste permettait un
atterrissage de nuit, ceci constituant un atout indiscutable, car Edenède ne voyageait jamais sans son Airaigle
nommé Boeing-Boeing. Cet oiseau pouvait parcourir de très longues distances, chargé de lourdes
charges. Son large dos offrait un confort incomparable pour quatre Rartiens de corpulence moyenne. Au fil
des voyages, Boeing-Boeing et Edenède avaient noué une profonde relation malgré la barrière de la
langue, car Edenède, en dépit de longues heures d’apprentissage, ne maitrisait pas l’airaiglais. Boeing-
Boeing quant à lui ne connaissait du rarténais que les consignes de sécurité en vol et le vocabulaire
nécessaire au pilotage. Les longs voyages auraient pu permettre de pratiquer l’airaiglais avec Boeing-
Boeing, mais en vérité, cela comportait un risque certain. Rarténais et airaiglais se ressemblaient et les
faux amis étaient nombreux. Boeing-Boeing était un être très susceptible. Il valait mieux éviter les conversations à
faux amis, les fautes d’accord et liaisons dangereuses, sources potentielles de fâcheux malentendus.
Edenède ne voulait pas risquer de se retrouver au beau milieu du ciel avec un Airaigle, au mieux boudeur,
au pire en mal d’amour. Un Airaigle en panne d’amour c’est un peu comme un A320 en panne de moteurs.
Ça vole, mais beaucoup moins bien.
Pour l’accompagner, Edenède avait invité deux de ses amis : le tourneur de belles phrases et la
décrypteuse de nuages. Le premier, grâce à son talent de tourneur de belles phrases, saurait égayer le
voyage et une fois sur place, rabattre les non-dits comme personne. Il contribuerait sans nul doute à une
chasse abondante. La deuxième assurerait un vol sans turbulence en faisant ami-ami avec les nuages. Par
contre, il évita d’inviter le raconteur d’histoire sans paroles. Il l’aimait beaucoup, mais voyager avec un
spécialiste des histoires sans paroles, c’était d’un chiant ! Bref, une fois le tourneur des belles phrases
récupéré, ils filèrent chez la décrypteuse de nuages. Sans se l’avouer, Edenède avait un petit faible pour
elle. C’est sans doute pour cela qu’il trouvait une troisième qualité à son ami tourneur : il était gay. Une
façon efficace d’éviter toute rivalité sur le dos d’un Airaigle, endroit somme toute restreint.
L’équipe au complet, ils partirent en direction de l’île du silence sans se douter de ce qu’ils allaient
affronter. Confortablement installés dans les plumes de Boeing-Boeing, nos trois amis contemplaient les
spectacle offert par Rarté. Elle flamboyait de couleurs. Les pâturages orange, les montagnes bleues et les
lacs mauves défilaient sous leurs yeux.
Ce spectacle inspirait tellement le tourneur de belles phrases qu’il n’arrêtait pas de tourner.
La décrypteuse de nuages ne voyait pas le temps passer bien qu’aucun nuage ne croisât leur chemin.
Edenède, lança un défi : celui ou celle qui compterait le plus de moutons verts volants, remporterait la
partie. Comble du bonheur, la fraicheur de l’altitude poussa la décrypteuse de nuages à venir se blottir contre
lui.
Ce moment suspendu fut brusquement interrompu par des annonceurs de mauvaises nouvelles qui
volaient à leur rencontre. Le boucher de l’île du silence séquestrait les marchandes de fou rire. Compte
tenu de l’adage « un rire équivaut à manger un steak », il les rendait responsables de ses ventes en chute
libre. Pour nos voyageurs en plein ciel qui comptaient atterrir de nuit, la folie du boucher sonnait le glas.
Pas de marchande de fou rire, pas de lucioles de bonne humeur. Pas de BH, pas d’atterrissage nocturne. Boeing-Boeing trop fatigué pour faire demi-tour n’avait qu’une solution : continuer. Il espérait que la lune permettrait de voir suffisamment. Tout bas, il interpella le Très-Haut et lui demanda de ne pas entreprendre d’activité trop prenante, car peut-être iauraient-ils bientôt besoin de lui. L’épieur de non-dits entendit lesmurmures, mais ne comprenant pas à cause de son pauvre niveau en airaiglais, lui demanda de répéter.Boeing-Boeing s’exécuta et Edenède comprit : — "Ma sœur repasse les sandwichs comme personne".
Edenède pensa très fort que la sienne battait le beurre, mais à l’instar de l’histoire du sandwich repassé, tout le monde s’en foutait. Il s’abstint donc d’en parler, se contenta de prendre un air profondément intéressé et répondit :— "Ahhhh!"
Il ne savait pas quoi penser. Soit son Boeing-Boeing perdait la raison sous le stress provoqué par les
mauvaises nouvelles, soit la traduction d’Edenède laissait à désirer. Il décida bien plus positif de penser
que son Airaigle avait toute sa tête, alors il se promit que, s’il sortait vivant de cette aventure, il s’inscrirait à
un stage intensif d’airaiglais. Il pourrait ainsi élucider cette histoire de sœur repasseuse de sandwichs.
La nuit les enveloppait. Tous comprenaient la gravité de la situation, l’inquiétude était palpable.
Boeing-Boeing s’attribua la mission de sauver les trois âmes blotties dans ses plumes et, par la même
occasion, la sienne. Les trois voyageurs décidèrent de profiter de chaque étoile, chaque caresse de vent
sur leurs joues. Ils s’inquiétaient les uns pour les autres . Ils dégustèrent leur repas comme si c’était le
dernier. Ils leur semblait ne jamais avoir mangé de mets aussi fins, bu de vin aussi subtil. Ils trinquèrent à
leur aventure, à la vie, et croyants comme non-croyants, au Très-Haut. Soudain, Boeing-Boeing s’écria :
—"Rarté ! Rarté !"
Son œil affuté, aidé par les rayons de lune, avait reconnu la silhouette de l’île du silence. C’était à la fois
une bonne et une mauvaise nouvelle, car si les lucioles étaient en manque de bonne humeur, il leur serait
impossible d’atterrir. Nos trois compères se serrèrent les uns contre les autres. Edenède caressa le
plumage de Boeing-Boeing. Il pouvait sentir son pouls. Par sa caresse, il transmettait toute sa confiance et
son amour. Certaines fois, les gestes ont plus de force que les mots et ils vivaient un de ces moments.
La piste d’atterrissage était au nord de l’île. Arrivant par le sud, ils devaient la survoler tout entière. Ils
passèrent le Mont Goliath et espéraient voir la piste d’atterrissage une fois la cime passée. Mais rien,
niente, nada, ils ne voyaient que les étoiles scintiller à la surface de la mer et le noir de Rarté. Huit yeux
remplis d’espoir ne remplaçaient pas les HB des lucioles. Les bruits d’ailes de Boeing-Boeing emplissaient
le silence. Rester en l’air était la seule solution, voler encore et toujours, rester en l’air jusqu’au petit matin
dans l’espoir de se poser aux premières lueurs du soleil. Boeing-Boeing faiblissait, il tenait par amour pour
ses passagers et par amour de la vie. Inexorablement la fatigue rendait chaque coup d’aile plus
douloureux. Nos trois amis le sentaient, alors ils unirent leur voix et chantèrent pour donner du courage à
celui dont leurs vies dépendaient. Boeing-Boeing se remplissait de ces vibrations sonores pour oublier la
douleur. Ils étaient tous les quatre dans le présent, dans l’instant, oubliant le passé, sans penser au futur.
Être là, en vie à l’instant T, emplissait chacune de leurs cellules. Puis, l’inespéré se produisit. Une ligne de
lumière apparut là-bas aussi droite qu’une piste d’atterrissage. Ils pouvaient entendre le rire des lucioles
qui, ayant retrouvé leur bonne humeur, éclairaient la piste comme en plein jour. L’atterrissage demandait
un effort musculaire important. Les crampes que Boeing-Boeing ressentait en silence lui faisait craindre
l’accident. Ils n’étaient pas encore sortis d’affaire. Il demanda aux trois passagers de se tenir bien au milieu
de son dos, de ne pas bouger. Il amorça la descente en réfrénant un cri de douleur. Il descendit encore et
encore. Ses ailes devenaient plus lourdes à chaque battement contrôlé. Il étira ses pattes douloureuses et
enfin, sentit avec bonheur le sol sous ses serres. Il fit quelques pas pour adoucir l’arrêt puis s’immobilisa.
Le rire des lucioles continuait de remplir la nuit. Les trois amis se regardèrent en criant leur joie,
s’enlaçèrent, se tapèrent sur l’épaule pour s’assurer qu’ils ne rêvaient pas. Ils étaient en vie ! Edenède
serra si fort Boeing-Boeing que celui-ci lui demanda s’il voulait l’étouffer. Edenède ne comprit pas et lui
répondit que oui, cela lui ferait plaisir de rencontrer sa sœur. Puis leurs rires se mêlèrent à ceux des
lucioles et ils regardèrent dans la direction qu’elles fixaient et ils comprirent enfin ce qui les avait sauvés. Aux
approches de l’été, pendant dix jours les femmes de l’île se déguisaient en leur mari et ces derniers
prenaient l’apparence de leur épouse. La seule règle de ce carnaval était de mettre plus de clowneries que
de cruauté. La procession des déguisés passait devant la piste.
C’est ça qui faisait marrer les lucioles.
Parfois, la vie ne tient qu’à un rire.
13/12/2022
Quand sonne le réveil...
Je somnole, quand la sonnerie joyeuse de mon réveil annonce la fin de la nuit.
Comme chaque jour, je ressens une véritable excitation à l’orée d’une nouvelle
journée. Les gens m’appellent la colleuse de timbres, sans doute parce qu’ils me
voient coller des timbres heure après heure. Je vois bien votre scepticisme devant
mon enthousiasme. Nous ne nous connaissons pas, et pour que vous compreniez,
je vais vous parler de moi, même si cela n’est pas mon activité favorite. Vous
percevrez alors des vérités que seules des âmes sages et éclairées peuvent
entendre. Quelque chose me dit que vous en faites partie. Alors, rapprochez-vous,
installez-vous confortablement, prenez une grande inspiration et ouvrez vos
esgourdes, vous ne le regretterez pas. J’y glisserai quelques révélations.
Je m’appelle Aglaé. Je ne suis ni belle, ni moche. En société, je ne brille pas.
Ce n’est pas qu’on me le dise, c’est juste que personne ne me voit, ni ne m’entend.
Quand je suis en société, je pense aux enveloppes et aux timbres. Je suis là sans
être là, dans mes petits souliers et je rêve.
Je rêve de cet amant couchant sur le papier des mots d’amour. Assis au coin
de la cheminée, bercé par le chant du feu. Il pense à l’être aimé et se languit des
retrouvailles.
Puis, éperdu d’amour, il glisse sa lettre dans une enveloppe. Un peu plus tard,
j’y colle un timbre.
Je rêve de ce père pétri de tendresse. Les larmes coulent sur ses joues et
viennent baigner ses mots dessinés sur les pages. Des mots que ses enfants, si loin
de lui, liront au pied du sapin. De sa manche, il tamponne les pages mélangeant un
peu plus encore ses larmes à l’encre. Sous la pression, quelques lettres prennent
alors forme d’étoiles.
Puis, bouleversé, il glisse les pages dans une enveloppe. Un peu plus tard, j’y
colle un timbre.
Je rêve de cette femme. Elle écrit ses remerciements à la famille, aux amis
venus si nombreux dire un dernier adieu à son père tant aimé. Elle leur écrit du plus
profond de son cœur à quel point aujourd’hui, elle a été heureuse d’être triste avec
eux.
Puis, émue, elle glisse ses lettres dans les enveloppes. Un peu plus tard j’y
colle des timbres.
Je suis colleuse de timbres… Comme ils disent. Je ne leur en veux pas. J’ai
rencontré le renard, ami du Petit Prince, et ai bien compris son message : voir
l’invisible n’est pas donné à tout le monde.
Je viens de la planète Rarté, mais chut, c’est un secret. J’ai atterri une nuit de
trente et un décembre au rythme des grelots tintinnabulants. Le traineau conduit par
cet homme en rouge, que vous appelez le père Noël, a glissé sur la neige puis s’est
immobilisé. Vous ne me croyez pas ? Classique ! Vos croyances sont telles qu’il
reste invisible à vos yeux. Je peux témoigner que votre père Noël est l’Uber le plus
apprécié pour faire les trajets de Rarté à la Terre. Une très belle façon d’occuper son
temps entre deux 24 décembre. Je suis descendue du traineau, puis ai marché
jusqu’à ma location. Sur le chemin, émerveillée de découvrir votre terre, je ne
pouvais pas détacher mes yeux des fenêtres et vitrines, la fête battait son plein. Je
pouvais y voir Champagne, bougies, partage, joie, joujoux, alka-seltzer, marrons,
clémentines. Mais je m’égare!... Alors revenons à nos oies comme on dit sur Rarté.
Pour celles et ceux qui ne connaissent pas Rarté, c’est une planète où tout est
pareil à la Terre sauf ce qui y est différent. Nos métiers, en particulier, n’ont pas les
mêmes enjeux. Pour vous expliquer, je prendrai comme exemple cette histoire de
terrien que certains d’entre vous connaissent peut-être :
« Des tailleurs de pierre travaillaient sur le chantier d’une cathédrale. Un homme
s’approcha de chacun en posant la question :
— Oyez, que faistes-vous donc bon Damoiseau ?
Tous répondirent :
— Ouvrez mirettes messire, j’taille la pierre.
Tous, sauf un, qui répondit :
— Messire, J’constrois une cathédrale. »
À n’en pas douter le dernier, le bâtisseur de cathédrale, venait de Rarté.
Comprenez-vous où je vous emmène ? Sur ma planète, mon métier à moi ce n’est pas colleuse de timbre,mon métier à moi c’est « passeuse d’amour et d’émotion ».
Alors oui, mon réveil sonne toujours le début d’une belle journée.
A nous l'an neuf 10/01/2023
Un Nouveau Monde.
Il serait une fois une tempête qui, accompagnée de vents violents, bourrasques destructives, pluies torrentielles, orages étincelants et assourdissants qui, dans la folie furieuse des fêtes païennes du nouvel an, alors qu’éclatent les feux d’artifice ici et les bombes là-bas, il serait une fois une épuration totale des miasmes accumulés par les humains. Alors que les barrages s’écroulent, que les centrales nucléaires explosent, que les forêts brûlent comme des torches montant jusqu’au ciel, que la terre s’ouvre engloutissant les continents et repoussant vers le ciel dans une magie de volcans une nouvelle terre chargée de coulées de lave et de pluie de cendres, il serait une fois une planète rajeunie, prête à offrir la vie à de nouveaux habitants. De ce monde détruit, sans aucune intervention du divin, lorsque l’air redevint pur, une humanité nouvelle apparut et comme toute vie garde la mémoire de sa création, cette humanité portait en elle le souvenir des défauts du passé et pour avoir pu renaître dans la force du renouveau, rejeta le côté animal de ses ancêtres et chercha à éduquer ce besoin d’équilibre né de la grande peur résultant de l’apocalypse précédente. La nourriture n’était plus un but, une nécessité car les corps ne s’usaient plus et ne brûlaient plus, car formés d’un organisme vivant de l’eau, comme une rivière se nourrit sans fin de ce que le ciel lui apporte. Les corps étaient assouvis à jamais. La colère, la violence n’existaient plus. Durant l’apocalypse précédant cette nouvelle humanité, un sanctuaire avait été sauvegardé mystérieusement, bien qu’entouré de la dévastation générale. Ce sanctuaire portait le nom de médiathèque du futur. Les personnes y allaient pour retrouver des beautés du monde passé. Il ne restait que tout ce qui honorait l’harmonie poussant à aimer et à éduquer. Et en opposition avec la peur, la paix actuelle faisait découvrir aux curieux comment la violence avait été si présente, si forte jadis et qu’il avait fallu pour permettre à certains d’espérer, que des hommes comme Jaurès et Gandhi prêchent les foules jusqu’à être assassinés pour que les non-violents ne deviennent pas fous face a la barbarie du monde qu’ils habitaient. Ce monde déséquilibré était capable de sanctifier ceux qui étaient assassinés car prêchant la paix et l’amour. Et pour confirmer cette étrange confrontation du bien et du mal les personnes sensibles s’enivraient de la lecture des écrits de Colette ou de l’écoute des œuvres de Tchaïkovski.
Il serait, il serait… pourquoi ne pas oser il sera, il sera ?
L’accélération des événements pourrait bien nous conduire à une apocalypse terrible mais sans espoir de ce futur, de ce il serait. Serait-il trop tard ?
Un moment de découverte. 17/01/2023
Un moment de découverte.
L’horizon se colorait déjà du feu du soleil couchant. Le soir descendait doucement sur ce paysage paisible. Dans le lointain un clocher sonnait l’angélus et peu à peu les lumières s’allumaient dans la ville blottie dans la vallée. Quelques bruits montaient dans le silence : pétarade continue d’une moto, mère appelant ses enfants, pleurs d’un bébé, musique d’une radio solitaire.
Assis contre un beau pin-parasol, je détendais mon corps fatigué de ces kilomètres parcourus. « Quel imbécile ! j’étais tellement fasciné par la découverte de cette civilisation maya que, perdu dans l’observation des sculptures et des haut-reliefs, je n’avais pas vu que le car qui m’avait amené sur le site était déjà reparti. Ce n’est qu’après avoir descendu avec précaution les marches étroites du temple du soleil, escalier en à-pic vertigineux, et m’être rendu au lieu de départ du car que je constatais que j’étais seul.
Je ne pouvais rien faire d’autre que partir sur la route déserte qui déroulait son tapis poussiéreux dans le silence d’une région inhabitée. Je marchais passant devant les champs d’agaves qui se déployaient à l’infini. Des eucalyptus bruissaient dans le vent du soir qui accompagne toujours le coucher du soleil. Et bientôt le bleu Nuit envahit le ciel dans le scintillement des étoiles sorties de l’emprisonnement du jour. Cette situation me poussa vers l’interrogation du passage du temps. Combien de civilisations passées avaient vécu sous ce ciel empli d’énigmes dans la fuite éternelle du temps. Ne sachant plus que faire et où aller je vis un passage dans un champ de maïs dont les épis comme des lances dorées sortaient de leur écrin de feuilles jaunissantes. Je m’assis, arrangeant quelques hampes et feuilles desséchées. Heureusement j’avais gardé une collation pour le midi et mangeait avec bon appétit cet en-cas et m’apprêtais à dormir sous la voûte étoilée, approfondissant ma rêverie stimulée par ce que j’avais vu lors de ma visite de ce lieu sacré. Le sommeil ne tarda pas à me gagner, bercé par le crissement des grillons dont je pus constater la grosseur. Ce fut une nuit reposante. Quand j’ouvris les yeux, l’aube naissait apportant une fraîcheur relative qui disparaîtrait dès que le soleil se lèverait à nouveau dans le ciel pur de tout nuage. Un croissant de lune accompagné de sa fidèle étoile perdait de sa lumière au fur et à mesure que la force du soleil grandissait.
Je me réveillai en espérant trouver un puits ou un point d’eau pour faire un brin de toilette. Je repris la route les muscles un peu raidis de la marche d’hier. Cette route était toujours aussi désertique et je me demandais si j’avais bien pris le bon chemin. Aucune maison, aucun village, aucune voiture. Bientôt j’arrivai à un croisement mais sans pouvoir me décider sur la La route à suivre, car les noms indiqués ne me renseignaient pas, car inconnus.
Finalement j’aperçus un homme arriver sur un âne, classique image des habitants de ce pays : grand chapeau rond, chemise ample et pantalon blanc défraîchis. Je lui fis signe et avec mon espagnol européen je lui demandai le chemin pour la ville où je désirais me rendre. Avec un grand sourire montrant une dentition bien abîmée il me fit des signes en parlant un idiome que je ne compris guère. Je restai étonné de cette incompréhension. Il partit. Me fiant sur la direction indiquée par son bras, je pris ce qui pouvait me permettre d’arriver à mon point de départ. Je me disais qu’il fallait bien que ce soit le bon chemin car je n’avais plus grand-chose à manger et je m’imaginais le tableau si je n’arrivais pas à trouver une cantina ou une épicerie de secours.
Je marchais sous le soleil qui prenait de la force, sentant déjà une fatigue amplifiée par cette incertitude de me retrouver sur le bon chemin.
Je vis de loin le clocher d’une église, ce qui me rassura espérant trouver une solution à cette errance en terre inconnue. M’approchant de ce clocher je m’aperçus bien vite que le village qui entourait cette église était désert. Une ville fantôme. Ce constat me démoralisa. J’errais quelques instants dans ces rues désertes dont les maisons avaient les ouvertures obstruées par des planches. Je vis une porte cassée béant sur le noir de l’intérieur. J’hésitais et y entrais avec précaution. Dans la semi obscurité je vis des débris d’objets, un lit en fer avec un matelas tout mité. Poussière et toiles d’araignées en faisaient la touche finale de décoration. Je ressortis et vis un puits près de l’église. Je m’en approchais et me penchant ne vit aucun reflet du ciel. Le puits était à sec. Je faillis m’asseoir et pleurer, mais en entendant un bruit de moteur je me précipitai vers la route. Lorsque j’y arrivai je vis l’arrière d’un car s’éloigner suivi d’un nuage de poussière. Je criai « non ! Non ! Ce n’est pas possible ! » Et cette fois je m’assis essayant de calmer les spasmes d’angoisse qui m’assaillaient. Je restai assis assez longtemps et le calme étant revenu, je pris la décision de reprendre la route et me lançai en provocation : ´
‘ Et bien si tous les chemins mènent à Rome, peut-être qu’ici tous les chemins mènent à Taxco ! ». Stimulé par cette humour noir, je repris la route qui maintenant montait. Elle était bordée de fleurs, les terrains n’étant plus cultivés. Je reconnus les œillets d’Inde et les gerberas sauvages. Cette découverte me donna du baume au cœur. Je fus convaincu que j’avais pris la bonne décision en choisissant cette route. Je marchais longtemps et péniblement. La journée etait maintenant bien avancée et je décidai de me reposer en ce lieu intime bien qu’ouvert sur un vaste paysage dont le grandiose se révélait avec la fin du jour et l’arrivée de la nuit. Je réfléchissais à cette aventure sereinement car j’étais sûr que la ville que que je voyais à mes pieds était cette ville où j’avais réservé une chambre. Je souriais à ces dernières heures qui avaient frisé la tragi-comédie et même me félicitais de n’avoir pas perdu la boussole en me trouvant si loin de tout repère.
Le lendemain matin je me hâtai de descendre vers la ville qui s’éveillait et où je pourrais retrouver quelques confort. Passant devant une belle église baroque, j’entendis monter les chants d’une prière du matin. Les portes de l’église étaient grandes ouvertes et je vis toutes ces femmes habillées de costumes modernes mais conservant comme parure ces magnifiques huipils haut en couleurs vives et portant ce chapeau d’homme sur la tête. L’animation était déjà assez intense. D’un marché sur la place résonnaient des murmures des vendeuses et clients. Une musique de mariachis sortait d’un café déjà rempli d’hommes. Un chien trainait au milieu de cette foule semblant chercher sa pitance pour satisfaire sa faim.
Je vis bientôt la maison où je résidais et c’est tout heureux que j’entrais. Les hôtes ne furent pas plus surpris par mon absence que par mon arrivée. Je leur expliquais ce qui s’était passé et ils me dirent sans surprise : « mais oui, c’est toujours comme ça. Le car part dès qu’il est plein même si ce n’est pas l’horaire ».
Des caleçons dans le congélo 31/01/2023
-« Passe moi les glaçons dans le tiroir du congélo «
Paul se tient à l’autre bout de la pièce et il interpelle. Agnès, qui est encore dans la cuisine.
Ce soir, Paul et Agnès ont invité Charles et Christian pour fêter le mariage de cés derniers. .
-« Quoi, quel caleçon, ? tu mets tes caleçons au frigo maintenant ?
-« Pas caleçons , « glaçon » articule Paul sous le rire poli de Charles
-« Oh j’arrive. «
Agnès apparaît bientôt ,tenant un bol de Glaçons tintinnabulant.
Elle le pose sur la table basse et annonce,
-« voilà les garçons. »
-« mais non , les glaçons », précise Christian.
-« Eh bien oui, des glaçons pour les garçons. «
-« garçons, garçons , c’est vite vite dit, Rétorque Charles, d’une voix quelque peu chantante.
Rires polis.. La conversation languit.
-« Avez-vous entendu les infos ? L’otage est toujours prisonnier, lance Agnès .
-« Mais de quel otage s’agit-il ? « S’exclament les convives.
-« mais oui, cette jeune femme enlevée en Colombie. »
-« Ce n’est pas une jeune femme, c’est un otage hors d’âge. »
-« Pourquoi retenir un otage hors d’âge ? On n’en pourra rien tirer. Et prisonnière de quoi ? »
-« Mais non, c’est une pionnière, pas une prisonnière, une femme dont on ignore l’âge, est partie, en pionnière dans des mines de minerais précieux en Colombie. »
-en Colombie ou au chili ? 3
-« Oh par là-bas. «
-« C’est plutôt au Chili, c’est un des pays multifacettes où il peut y avoir des canicules et des glaçons. »
-« Oui. Savez-vous qu’on y trouve aussi des oiseaux extraordinaires, surtout les cardinals cardinalis ? «
-« Des cardinaux vêtus de pourpre Cardinalice ?, Je croyais que c’était au Chili »
-« . Il pourrait y avoir des cardinaux au Chili ? «
-« Quel cardinal est revenu du Vatican ? »
-« Mais aucun, on parle d’oiseaux. »
-« Quel damoiseau ? »
-« pas damoiseau,, et d’abord, comment le sais-tu ? Que c’est une Dame oiseau, c’est peut-être un Monsieur oiseau.
-« « Masculin ou du féminin ? C’est désuet, flute Christian, D’un ton quelque peu froissé. « Mais de toute façon, tout le monde peut porter des caleçons. »
-« les caleçons, C’est pour les garçons »
-« et les glaçons, ? »
-« pour nous, pour nous »
, un cœur de voix s’élève et les verres se tendent.
Bling bling , des tintements annoncent le plongeon des cubes transparents dans les verres de punch.
Le breuvage commence à monter aux cerveaux qui s’embrument.
Charles et Christian sortent leurs téléphones pour faire admirer les photos de leur lune de miel au Brésil.
Charles pose un doigt ,,graisseux d’huile d’arachide et de chips au piment ,sur l’écran et s’adresse à Agnès
-« si tu vas à Rio, n’oublie pas de monter là-haut. «
-« C’est quoi un Vasario ? Demande Paul.
-« Paul, suis un peu, personne ne parle de Vasario. On parle de glaçons et de Titanic. »
-« Ah qui parle de Titanic ? «
-« là,, le glaçon dans le verre, il coule, comme le Titanic.
-« Et le Titanic alors ,il a coulé?
-« Bah tout le monde le sait. Le 14 avril 1912, »
-« Zut alors, quelle horrible tragédie ,tous ces gens en caleçons dans l’eau glacée. «
-« Oui ,comme tes caleçons au congélo. «
-« Pourquoi me parles tu Des glaçons ? «
-« Pas des glaçons : de tes caleçons. Et d’ailleurs, ce n’est pas tellement étonnant qu’ils soient au Congélo, tu ne fais jamais attention à tes affaires »
-« Et toi Alors, ?, qui parles d’un cardinal ,descendant d’un passager du Titanic ,retenu en otage à Rio, qui a coulé. »
-« qui a coulé ? le cardinal ? «
-« Mais non le Titanic. »
-« Tu dis n’importe quoi. ! »
Charles et Christian ont assisté, silencieux, à ce ping-pong oratoire d’Agnès et Paul.
Ils aimeraient bien revivre avec leurs amis le ravissement de leur merveilleux voyage et recueillir les « ah « « oh » et » » c’est magnifique. » Quelle chance » obligatoirement suscités par ce genre de démonstration.
Ils ont dû perdre le fil un instant, car Paul et Agnès continuent leurs échanges.
Agnès rétorque à Paul Sur un ton plutôt acerbe.
-« Et quand tu joues du trombone, ça dérange les voisins. ! »
Christian reprend un mot,au vol.
-« Pourquoi ?ça fait du bruit les trombones ?, pourquoi joues tu avec les trombones Paul ?mets plutôt une agrafe, ça va plus vite et ça tient mieux. »
-« Ça suffit à la fin , de quoi parlions nous ? »
-« Le cardinal d’un autre âge encore prêt à sonner là-haut du trombone à Rio, entre 2 rangées de voisins complètement coulés a engrangé des revenus au Vatican d’où il est revenu, plein de tiques avec Annick et il rit en voyant son ami Congélo en caleçon » !
. Un glaçon rate le verre d’Agnès et éclate en 1000 morceaux dont chacun reflète la folie de cette soirée totalement décousue.
Horizon et Tronc atelier du 16/01/2023
L’horizon m’émerveille par sa beauté éclatante qui s’étend entre les monts, il se cache
derrière les cimes et traine ses couleurs chamarrées tout au long de celui-ci.
Une interrogation me vient à l’esprit ! Mais que fais-je là, debout, le sac à dos avec mes
pieds meurtris dans mes chaussures de marche.
Je me souviens être partie depuis de longues heures afin d’arriver tout en haut de la croix de
la Bercia. Nous marchons en silence avec mes amis. Notre guide de montagne et sportive,
nous initie à toutes les plantes que nous foulons. Nous voulons tout connaitre ; les noms, les
bienfaits et pour approfondir les vertus médicinales qu’elles peuvent procurer.
Avec des étoiles dans les yeux elle nous dit :
« Savez-vous que les arbres sont vivants ? Qu’ils communiquent entre eux ? Il suffit de
contrôler. Mettez vos pieds au bas de l’arbre, bien campés au bas du tronc, entourez-le de
vos bras et écoutez. »
Ce que je fis avec mes amis qui comme moi étaient septiques.
Allait-il nous parler ?
J’appuie ma joue, puis mon oreille tout contre son écorce, j’écoute, je me mets en apnée, le
vent est totalement absent.
Cela va vous étonner, j’ai entendu l’intérieur de l’arbre respirer…
Quand nous avons rapporté nos sensations à notre guide, j’étais la seule à avoir eu cette
expérience.
Notre guide nous a confirmé que peu de personnes parmi les trekkeurs avaient ressentis une
forme de vie dans les arbres.
L’assemblée était mi narquoise, mi déçue. Puis ils décidèrent de prendre ce phénomène en
photo.
Une photo sortie du lot, ressemblait à un tableau peint par Van Gogh pendant la période où
il vécut en Provence.
Nous avons fait une halte au pied de cet arbre, nous avons bu de l’eau fraiche, goûté avec
des petits beurres, une collation bien venue après une longue marche de cinq heures dans le
Bois Gaston.
Sans hésiter nous prenons la décision de redescendre.
Je salue l’arbre qui me laisse pensive, je sais que je vais longuement méditer…
Cet arbre a changé ma vision des choses, les animaux vous apprennent beaucoup, ils
ressentent nos émotions, ça nous le savons.
Mais qu’un arbre respire (dans mon intime conviction je l’ai entendu), ressenti, cela
m’étonne encore trois ans après cette expérience.
Nous commençons notre descente, fatigués, mais heureux d’avoir respiré l’air frais des
montagnes.
Un couple, soudain, ne veut plus avancer. La femme pleure, son ami essaie de la consoler.
Rien à faire. C’est une tragédie comédie qui se déroule sous nos yeux. Nous ne savons plus
quoi faire ou dire pour les faire avancer. Le temps nous est compté.
L’horizon s’efface à travers les cimes et la nuit va bientôt nous surprendre.
Notre guide prend les choses en mains, regarde sa boussole et nous ordonne ;
« Partons maintenant, évitons les dangers qui nous guettent, il faut descendre rapidement. »
Nous regardons le couple réfractaire. Oh ! Surprise ? Ils sont prêts à nous suivre.
Me voilà en prière reconnaissante à Dieu de leur avoir donné la force.
Je suis fourbue, mes pieds me font souffrir de plus en plus, mais j’ai vécu ce pèlerinage, car
s’en fut un ; un miracle, un dépassement de soi.
Je suis retournée l’année d’après pour revoir mon arbre et là ! Déception ! Il ne m’a pas
reconnu…
Acrostiche alphabétique
Avalanche de super héros, Ragnar n'en pouvait plus mais où étaient passés les dragons d'autrefois.
Bien sûr, par ci par là, les ailes déployées le feu était craché sur de jolis minois.
Ciel étoîlé où passent tous ces super machins, Ragnar était amer et se plaignait du foie.
Dégouté des armures qui encombraient l'espace, ces bibendum en fer le privaient de sa gloire.
Etreint par l'inquiétude, Ragnar ne pensait plus qu'à ses amis finnois.
Fier de ses origines, il pensait à sa dame qui n'était pas du lac et vivait dans les bois.
Gêné par son absence, il regardait la nuit, et l'automne venu il jouait du hautbois.
Hulk apparut un jour, tout de pierre revêtu, Ragnar impressionné lui trouva l'air narquois.
Iron Man un matin, transperça la rosée et lâcha insouciant un jeu de mots grivois.
Jeu de mots transparent, Ragnar n'y comprit goutte et rêva du dragon crachant du feu grégeois.
Karnak n'apparut point, mais modula sa voix faisant croire à Ragnar qu'il était un gaulois.
Lancelot n'était plus là, Merlin était parti, Morgane toute en spirale élevait des vers à soie.
Médusa serpentée cassait une petite croûte, et Ragnar perturbé écossait des ptits pois.
Non, l'apocalypse était bien en approche et le pauvre Ragnar pleurait sur son surmoi.
Oh révolte éspérée donne moi ton élan que j'invoque un dragon qui dans la pluie flamboie.
Putain d'héros débiles, même pas nés dans des oeufs mais qui tapissés d'or d'un seul coup vous foudroie.
Quel gâchis ces héros juste nés de Marvel, aucune éducation, pas une touche de courtois.
Ragnar dans la lumière était lui très courtois, et face à ces balours on le croyait danois.
Sans vouloir se vanter, les dragons lui parlaient et il les chevauchait muni de son carquois.
Tant de vicissitudes, à la force de l'âge l'agaçaient fortement et les super héros il les trouvait casse noix!
Ultime vilénie pour ce héros ancien qui eut une faste vie, il trouvait ces férailles un tantinet bourgeois.
Vaguement fatigué, il reçut quelques gouttes elles n'étaient pas de pluie, c'était le Spiderman lui pissant d'sus de joie!
Wolfgang Amadeus aurait pu composer pour Ragnar le finnois un très beau concerto ou un je ne sais quoi.
Xman le professeur qui pilotait tout ça avait encombré l'ciel de tous ces artefacts et Ragnar isolé se sentait bien gaulois!
Y a plus rien à faire, les dragons sont partis, ils ne reviendront pas, il n'ya plus d'intérêt à c'que l'on s'apitoie.
Zut, comme dit l'ami Ragnar, c'est une étrange saison, j'aimerai r'voir les dragons donner un peu d'la voix!
Du côté de Rarté
Jeanne et son épouse, Aristide Merluchon, avaient bâti un hôtel délicieux en bois rouge de pandanus dans une cocoteraie sablonneuse adossée à une falaise au nord de l’île du silence.
Un nouveau jour se levait illuminant de vert le paysage. La vie reprenait peu à peu après un repos baigné par le violet de la lune Aspic.
Astraka ouvrait la porte de son échoppe, suspendant l’écriteau de sa profession « repasseuse de cœurs froissés » 100 blases la séance.
Elle avait une clientèle régulière constituée de personnes un peu volages qui voltigeaient de cœur en cœur sans pouvoir garder longtemps une fidélité. Madame Astraka connaissait d’avance ce qui lui serait dit. Aussi avait-elle une liste de conseils qu’elle ressortait sachant que de toute façon il serait sans effet parce que non écoutés.
Elle s’apprêtait à rentrer pour se préparer quand elle aperçut Fifilafeuille, le ramasseur de feuilles mortes à la pelle.
– Bilari Fifi.
- Bilari Astraka. Comment que tu t’es levée ?
–Sur mon pied droit et puis sur mon pied gauche. Ça va la journée sera bonne. Et toi ?
–Oh ! Moi, vu que je n’ai plus que la jambe gauche, c’est toujours pareil. Faut faire avec ou plutôt faire sans.
Tous deux éclatèrent de rire, aimant ce cérémonial quotidien.
–Kéktuvafer ?
- Ben je m’en va à la cocoteraie. Y paraît que les singes-crabes ont encore fait une razzia dans les cocotiers. J’vais ramasser les pas-cassés. Tu en voudras ?
–Titipo ! Bien sûr. Merci merci.
Et chacun partit à ses occupations.
Un peu plus loin on entendait déjà le traducteur de chants d’oiseaux en plein travail. Rouroupfuit’ écoutait un message adressé par l’ambassade du courlis-vert qu’il devait traduire pour le symposium de la délégation des protecteurs de volatiles.
Rouroupfuit’ traduisait avec rapidité en enregistrant cette traduction sur une belle plume argentée qu’il retournerait à l’ambassade portée par un cacapipitoès dressé pour cet usage. Rouroupfuit’ se méfiait toujours de ce qu’il avait à traduire car certains manquaient de correction et pouvaient lui envoyer parfois des cris de chameau-madaire, de chien-chat, enfin d’espèces différentes des oiseaux qui étaient sa seule spécialité.
Il était très ami avec son voisin Chuuut le raconteur d’histoires sans parole. Ça le reposait un peu de l’écoute de ces chants d’oiseaux parfois agressifs et très aigus. Chuuut ne disait rien puisqu’il était muet. Par compte c’était un agité perpétuel, faisant danser ses mains pour raconter toujours une bonne histoire. Rouroupfuit´ avait appris le langage des signes et pouvait ainsi comprendre ce que racontait Chuuut. C’était sympathique de les voir face-à-face gesticulant et parfois éclatant de rire. À un moment apparut près d’eux, habillé moitié en noir, moitié en blanc Cépavré, le professeur de mensonges.
-Bilibari Cépavré.
-Bilibari Rouroupfuit’. Bilibari Chuuut.
Jeux de mains et courbettes de Chuuut pour saluer l’arrivant.
–Quel non vent vous pousse ?
-Ah ! C’est y pas vrai je cherche une femme.
–Vous cherchez une femme ? C’est une blague Cépavré.
–Mais si, mais si. Et bien non j’cherche une femme sans la chercher et c’est pour ça que j’la trouve pas.
–Qu’est-ce que vous allez faire d’une femme à votre âge ?
–Et ben c’est pour l’carnaval.
–Non ! L’carnaval ! Une belle bêtise c’te coutume.
–Ça c’est sûr, vous m’frez pas dire le contraire.
–Tout ça parce qu’un jour on a retrouvé un vieux document qui disait que c’était là le pilier de nos aînés.
–Oui, je l’ai vu ce document et je l’ai appris par cœur tellement je trouve ça stupide.
–Pour être stupide ça l’est ça c’est sûr.
–Vous voulez que je vous le récite !
–Pourquoi pas, on a rien à faire.
–Je vous l’récite sans mentir. Vous savez que c’est mon petit défaut, mentir. Mais là c’est du tout vrai.
–On t’écoute.
–Et bien voilà. D’abord il y a une date plus qu’ancienne et un lieu qui doit être sur la planète Terra, mais sûr que c’est pas d’chez nous. Il est écrit : aux approches de l’été, pendant 10 jours, les femmes de l’île se déguisent en leur mari, et ces derniers prennent l’apparence de leur épouse. La seule règle de ce carnaval étant de mettre plus de clownerie que de cruauté.
Voilà. Je sais pas qui a pondu ça mais m’est avis qu’il devait pas être bien dans sa peau. Encore un qui devait pas trop savoir ce qu’il avait en bas du ventre. Excusez moi ! Ça me désarçonne : obliger quelqu’un à être ce qu’il n’est pas c’est aussi pire que de ne pas accepter ce qu’il est, oui c’est aussi pire.
–C’est bien vrai Cépavré. Et l’autre jour je parlais avec Monsieur Toucom’, vous savez l’épieur de non-dits. Et bien il disait qu’on apprend plus de choses dans ce qui n’est pas dit que dans ce qu’on dit. Kékten pense Chuuut ?
Agitation des bras de Chuuut qui confirme que c’est la vérité.
–Et moi j’ai plus confiance en Cétoucom’ qu’en Épuivoilà le tourneur de belles phrases. Avec Épuivoilà on ne peut plus placer un mot. Il part dans des phrases si longues qu’on en oublie le début.
–C’est exactement ce que dit Madame O. Rimmel la maquilleuse de réalité. Elle dit Cétoucom’ il noie un poisson dans un aquarium, mais moi je connais la vérité. Je l’enjolive un peu pour qu’elle soit moins dure moins triste. D’ailleurs c’est pour ça qu’elle s’entend bien avec Mademoiselle Rigol Adèle la marchande de fous-rires.
à suivre
Etrange saison
Automne déjà, Adélaïde a froid au cœur et serre ses mains sur ses tempes, quelle douleur!
Bouquet d'ennui, Boris est parti comme un voleur, un assassin, un égoïste, va en enfer, traître, perfide.
Croûte des blessures sur mes mains, sur mes seins, quelle étrange saison pour la mort des moineaux!
Dragon hantant mes nuits rougies de paupières bleues, de fantômes,
Élan perdu, ils partent tous, pourquoi ? Suis-je une sorcière infâme?
Feu de tout bois, dévastatrice... force sans force,
Goutte de poison, pourtant, tous, je les ai aimés,
Hérétique mourant sous l'échafaud.
Inquiétude des journées sans toi, ta chaleur, tes bras, ton corps, insouciance du passé,
Je vais aveugle et mendiante, comme un violoncelle décharné
Karma de mon incertitude, de mon ignorance, je les vomis!
Lumière tamisée de cette déchirure. Étrange saison pour un adieu,
Mains vides, en équilibre sur mon ego, vertige de miel…
Nature dépouillée de ton sourire, de tes baisers chauds
Or de nos confidences, de nos partages,
Pluie me lavera de tant de tristesse,
Quelle beauté éphémère du soleil couchant courbant ma nuque!
Rosée sous mes pieds, révolte,
Spirale des tourments de cette saison si étrange!
Toi, tous, tu, lui, elles, elle évanescente,
Unique et fière je traverserai les saisons de brume,
Vagues puissantes de mon abandon,
Wagon emportant mon véritable moi,
Xérès, whisky, vulnéraire, génépi alcools oubli.
Yeuse enlacée donne-moi ton énergie
Zeus, punis-moi, pauvre pécheresse!!!!
Etrange saison
Etrange saison
Absence d’étoiles dans le ciel
Bouquet de nuages d’automne
Cachant la lumière de la lune
Dessinant un dragon couleur miel
Enflammant soudain un ciel morne
Feu réveillant le jour levant sur les dunes,
Gardien de la révolte d’une nature aphone,
Héros d’une nuit d’apocalypse et de fiel
Imbu de son pouvoir et de sa force d’automne
Jouant avec la pluie et la rosée sur les dunes,
Kaléidoscope de mille diamants de gouttes transparentes.
Le jour se révolte avec insouciance
Muselant le dragon dans son élan vainqueur
Nacrant la nature avec faste et parfums
Oubliant l’inquiétude d’une nature en transe.
Peut-être cette saison est-elle dans une spirale
Qui alterne les semaines dans un élan moqueur
Remodelant la mer en vagues scélérates ;
Sûrement dame nature ouvre son cœur,
Transformant parfois la mer en croûtes de sel,
Unissant les pierres pour former des rochers ,
Voyageant de continent en continent
Wagons en or, wagons en sel,
Xénophobe, elle évite la Russie
Yeux grand ouverts sur l’Ukraine,
Zelensky et ses courageux soldats.
AimeGeeAile – 14-11-2022
Étrange saison
Étrange saison
Alors que le soleil d’automne décline à l’horizon
Batifolent en un dernier vol joyeux
Corneilles et sansonnets revenus à la ville
Danse mystérieuse comme un voile qui se plie et se déchire
Enveloppant la lumière déclinante du jour
Fôlatrant en une spirale qui brise leur élan
Grouillant essaim qui se pose dans le fouillis des feuilles
Hélios disparaît en rougissant le ciel
Invitant la nuit à étendre son manteau dans l’insouciance
Jubilatoire conquête sur la transparence
Khôl ourlant le feu d’or du soleil
Laissant la voûte céleste à dame lune
Magnifique alliance des astres solitaires en une rosée diamantée
Nature qui par sa force pressent l’apocalypse
Offrant une pluie d’étoiles en un bouquet scintillant
Puissance animant les dragons de légende
Qui parcourent l’univers en semant l’inquiétude
Rugissant la révolte ancestrale
Sortie comme un volcan de la croûte des astres
Tranquillement des poussières d’étoiles en pierres minuscules
Usent leur aura dans une pluie de gouttes argentées
Valsant jusque dans les vagues immortelles
Wagnérienne imagerie du domaine des dieux disparus
Xystes désertés par l’oubli des humains
Yeux abandonnant la voûte céleste en l’absence du rêve
Zigzaguant sur le vide virtuel du monde numérique.
"Alors, ose"
8/11/2022
Le début de l'écriture, rien dans le cerveau.
Pas envie. Je regarde par la fenêtre. Un papillon épris de liberté. Je le regarde avec envie. Bientôt les grandes vacances, la liberté, des jeux avec les copains au bord de l'étang, sur les sentiers. Aïe, un coup de règle sur ma main. Le maître ne plaisante pas avec la discipline. Comme monsieur mon Père…
"Tu vas écrire, oui ou non?!". Monsieur Olivier fronce ses gros sourcils, titille sa moustache, se gratte le crâne qu'il a fort dégarni ! J'obéis. Tant bien que mal, j'arrive à produire un texte. Bon, mauvais je m'en moque. Je déteste écrire, on ne peut même pas tricher. Sonnerie, délivrance, liberté.
Dehors, des gamins se bousculent en riant. Comme d'habitude, je suis seule. Pierrot se rapproche à grand pas, il me propose de lire avec lui un livre d'Alexandre Dumas. "Tu connais?" "Non, j'aime pas lire, je déteste écrire!" "C'est une blague? Bon, demain je t'attendrai dans ma cabane je m'appelle Crusoé ,Robinson Crusoé. Apporte un cahier, nous écrirons à quatre mains. Vive l'aventure!"
Il n'est même pas drôle.
A la maison, Père me demande de lui montrer ce que j'ai écrit. Sérieux après la lecture, un autre coup de règle. Il me tire les cheveux. "Bourré de fautes d'orthographe, dans ta chambre écris deux pages et sans musique, je déteste ce Rossini! Ha, tu n'es pas Baudelaire, ça se saurait." Troublée, je me demande qui est Baudelaire. Je vois ma mère au jardin près de la glycine. Elle écrit, si elle pouvait m'aider... Père s'est enfermé dans son bureau pour voir a la télé Isabelle Adjani, belle, sensuelle, l'amante de ses rêves ?
Seule dans ma chambre, je pense, faut-il savoir écrire pour exister ? Il n'y a que ça qui compte à leurs yeux ? Obéir, produire... Je n'écrirai rien. Même pas sur ce joli parchemin que mon frère a ramené de voyage. Lui, il écrit bien, très bien. Il écrit dans les Nouvelles Littéraires. Quelle plume! Mon père l'aime beaucoup. "Il a réussi, lui, pas comme toi, ignorante!"
Mon Père est un tyran, un pervers. Je n'ai pas le droit de le tuer, mais j'ai écrit son nom sur une belle feuille blanche. J'ai déchiré la feuille, j'ai mâché les petits bouts de papier et je les ai crachés. Je trouvais cette action si excitante.
Souvenirs, souvenirs. J'arrête de penser à cet homme si sévère et je reviens à mon manuscrit.
Grâce à Pierrot, à cette amitié si précieuse, j'ai découvert le plaisir d'écrire. Et, depuis au lieu de bafouiller j'aligne des lignes et des lignes. Ma première nouvelle 'Elsa Kaléidoscope' a eu un franc succès, étonnant non ?
Entourée de livres que je caresse avec volupté, je me donne à l'écriture comme une amante qui n'a pas peur de tomber.
Mon frère m'a ouvert les portes secrètes de son journal. Il m'a dit "il te faut un pseudo, "Raspoutine" ". Je n'ai pas encore compris pourquoi, mais c'est avec délices que j'ouvre le journal et que je vois l'un ou l'autre de mes poèmes.
Mon père serait-il fier de moi ? Mais il n'a pas attendu, il n'a pas eu la patience. Il voyage de par le monde, ne donne pas de ses nouvelles. Ma mère ne se préoccupe pas de mon succès. Elle a le cerveau un peu fêlé, je ne vais pas beaucoup la voir. Je ne la reconnais plus.
Allez, j'y retourne. Où ? Dans mon livre, mon écriture, mon intimité dévoilée. A présent, j'écris des contes pour enfants. Je les préfère aux adultes, les enfants. Ils ne sont pas encore pourris par cette société décadente et glauque.
Si on m'autorise, j'irai faire la lecture à l'école primaire de mon quartier.
Et si je vois une fillette rêver en mâchouillant son crayon de papier, je lui dirai "Écris tout ce que tu penses, ce que tu ressens. Même si tu penses que ce n'est pas joli, ce sera beau puisque c'est toi, ton véritable toi, joyau de la nature".
Lorsque je me suis mise à écrire je suis enfin devenue "grande", enfin libérée de ce Père puissant et dévastateur, de cette Mère si douce mais si lointaine.
Alors, ose.
Colette
8/11/2022
Colette.
´L’écriture est une aventure. Au début c’est un jeu, puis c’est une amante ensuite c’est un maître et et ça devient un tyran.‘ Winston Churchill
Enfant notre expression écrite est à l’image de la confusion des sons que nous prononçons. Qui, à part le cœur aimant de parents, peut comprendre ces barbouillages qui déchirent le blanc d’une feuille. Barbouillages que l’enfant explique avec sa bouillie de mots, sourire aux lèvres, persuadé qu’il est compris. Puis vient l’apprentissage de la calligraphie et le miracle commence. Langue tirée, soupirs échappés des petites poitrines, regards captivés qui essayent de suivre le dessin qui s’affirme sur un tableau, sur un papier, accompagné d’un son qui est le seul lien avec ce cerveau vierge de toute règle. Et le miracle du langage commence imprégnant l’enfant d’un univers propre à sa famille, à sa région, à son lieu de naissance.
Plus tard cette connaissance permettra à tous de s’exprimer et elle nous donnera le bonheur de lire Colette, par exemple, qui savourait chaque mot comme une friandise et ouvrit notre univers en nommant la nature. Les règles strictes de l’apprentissage de la langue en ont fait une femme libre. Libre en racontant la vie de chaque instant dans sa banalité pour en faire un joyau du bonheur de vivre. Écriture vivante qui a su également cerner l’aventure de la vie qu’elle soit humaine, animale ou végétale. En explorant son univers proche, qu’elle a relaté dans « à portée de main », elle ouvre son regard à tout ce que ses sens peuvent capter. Cela va des moineaux qui viennent se blottir dans sa couverture, aux constellations qui brillent dans sa Bourgogne natale. Constellations que Galilée aimait observer en alliant la science des étoiles à la chasse à l’obscurantisme et aux obscurantistes qui pensaient que la terre était plate, et en apportant aux générations le désir de découvrir cet univers réservé jusqu’alors aux dieux mythiques. Il est émouvant d’entrer en lien avec l’esprit d’une personne disparue grâce au fait qu’elle a épanché son âme sur une feuille bleue, car Colette aimait écrire sur du papier bleu et dans le jeu des lumières, matinales quand elle pouvait encore s’éveiller tôt, ou le jeu de la lampe posée sur sa table d’écriture. Elle osait se hasarder tant dans le cœur d’une fleur que dans celui de l’amante qui est délaissée par son jeune chéri. Pour elle le destin n’était pas fait par quelques divinités invisibles mais par la force du caractère que chacun peut se permettre d’user. Si Tolstoï avec ´l’éternel mari’ a su décrire qu’une personne renouvelle ses expériences en gardant toujours le même fond, ce qui peut paraître démoniaque au regard des autres, Colette a su user de son pouvoir d’aimer pour chérir ceux et celles qu’elle voulait chérir, sans tenir compte des règles sociales normalisant l’âge et le sexe. Elle a su se libérer du poids du jugement des autres et poursuivre sa vie dans le bonheur qui était sa seule contrainte. À l’inverse de Emma Bovary qui mourut de l’antagonisme d’une sensualité et d’une loi contrainte par tout son entourage.
Colette a eu plusieurs maîtres : sa mère qui lui ouvrit le regard sur la nature, son père qui la poussa dans les livres et son premier mari qui, par un désir de célébrité pour lui, la fit entrer dans l’univers qui serait sa respiration : l’écriture. On lui enseigna toutes les bases et le savoir qui lui permettraient de faire fleurir sa sensibilité dans les meilleurs conditions. Et si elle eut une vie très mondaine et pleine de jouissance, elle su comme bouddha se replier sur elle-même pour faire sortir de sa chrysalide ce pur langage qui associe la beauté des phrases à un côté éducatif de la vie.
C’était une femme éprise de liberté n’acceptant d’être dominée que si son bien-être y trouvait son compte. Son seul tyran était celui qui la faisait goûter aux beautés du monde, n’acceptant que la violence inhérente à la nature, mais refusant toute dictature qui n’est le fait que de personnes orgueilleuses et dont l’histoire a déjà une liste bien longue ! Trop longue ! Mao, Staline, Hitler, Franco, Ceausescu, Pinochet,…
Si le bonheur est dans le pré Colette a su le trouver.
Tautogramme en C
11/10/2022
Cors, cymbales, cloches, cornemuses, cornez, cognez, carillonnez, couinez!
Chantons, chers concitoyens, célébrons Childéric, chevalier conquérant combattant courageusement ces cruels chenapans, ces crasseux culs-terreux, croque-mitaines corrompus!
Chevauchons, cavaliers chevronnés, chevauchons!
Chauves, chevelus, coquins, cocus, chastes, châtrés, chassons ces chiens cannibales, conspuons ces crapuleuses couleuvres, corrigeons ces calamiteux criminels!
Casseroles, cocottes, chaudrons, carabines, calebasses, coucourdes, claques, coups, cris, coassements, concassons ces crétins, crucifions ces chafoins!
Cauchemardesque charivari, catastrophique chamboulement, colossal chaos...
Courage! Chut chevilles cassées, crânes cognés, coeurs crevés, cous coupés, chut!
Citoyens, combattons!
Confiscons cottes, caleçons, cachons capes, casques, catapultes, coinçons, confinons ces chichis, ces chichis, ces chichis, ces Chinois, claquemurons ces chihuahuas!
Choeurs célèstes, cantiques, coquelicots charmants, caliquots chamarrés, calissons, caramels, caresses coquinettes couronneront cette conquête!
Nouvelle vague
Nouvelle vague 20/09/2022
Vivre sa vie, vivre sa vie, facile à dire!
J'aimerais qu'on m'en laisse le temps, avant de vivre ma mort! Pas l'intention d'être à bout de souffle pour la vivre à pleins poumons, cette drôle de vie!
Voilà bien trop longtemps que j'ai envie de faire les 400 coups loin de ce trou où je m'enterre vivant!
Ce week-end, c'est décidé, avec Pierrot le fou, le redoutable comme ils disent les pequenots d'ici, on est prêts à se faire la malle, la belle, on prend la tangeante, ciao!
Pierrot a un point de chute quelquepart en banlieue. Prénom Carmen, une femme mariée, pas d'enfant, ça cloche dans son ménage. Elle aussi elle en a marre. Deux ou trois choses que je sais d'elle... One plus one ça fait deux, avec moi, ça fera trois, on verra bien la tête qu'elle fera...On lui jouera notre musique bien à nous, ça peut lui plaire, qui sait, et on suivra le vent. Vent d'est vent d'ouest, c'est pas ça qui fera peur à de vieux loups de mer.
Pour le moment, tout va bien, Pierrot et moi on a fait nos paquets, rassemblé nos économies, personne à qui faire nos adieux. Demain matin on n'est plus là. Adieu les regards pleins de sous entendus, les racontars dans le dos, le mépris. Sauve qui peut la vie!
Dimanche, Pierrot et Carmen auront la paix, j'ai rendez vous avec Cléo de 5 à 7!
Dix ans qu'on s'est pas vus! Comment elle va me trouver? Et elle? J'ai un peu les jetons après tout ce qui lui est arrivé. Allez, Paris nous appartient, là bas on trouvera toujours de quoi faire, le temps de se retourner chez Carmen et puis à nous l'aventure, on se lance, la belle vie pointe à l'horizon!
Pour commencer, Champs Elysées. Je veux le voir absolument, ce film de l'hurluberlu qui a montré les fesses de Bardot au monde entier...Godard..."une femme est une femme" Beau titre! Si j'étais à côté d'Anna Karina, vous pouvez me croire, c'est pas moi qui ferais bande à part! Elle pourrait bien faire le plus vieux métier du monde que je lui ferais du gringue quand même!
L'autre jour chez le coiffeur, je l'ai vue dans Détective sous toutes les coutures. Canon, la pépée!
Un autre film que je veux aller voir, une adaptation d'un roman d'anticipation: Allemagne année 90, ça parle politique. Le gars imagine la chute du mur! Ils sont dingues ces romanciers...
Et puis j'ai hâte d'aller au Quartier Latin, aussi. J'irai chez Gibert jeune assouvir ma vieille passion: les bouquins d'occase. Quand on n'est pas allé à l'école, on peut toujours découvrir par soi même, non? "Autodidacte", c'est pas une tare! Moi j'appelle ça "le gai savoir", comme dit Nietzsche. Ben oui, c'est pas parce qu'on n'a pas de diplômes qu'on est obligé d'être ignare...J'aime bien la philosophie allemande, c'est comme ça.
Vous voyez, Messieurs Dames, dire bye bye aux ploucs, c'est tout le contraire de prononcer son adieu au langage...
Pendant mes pires années de galère dans ce trou, j'ai même été sauvé par "l'art épistolaire". C'est plus de saison, mais un temps, j'ai eu un béguin fou. Chaque jour j'écrivais une lettre à Jane. J'y croyais, je mettais le paquet, je faisais des citations piquées dans les manuels scolaires de 4ème qui traînaient à la cave. Hélas pour moi, elle répondait quand elle y pensait...Je multipliais les formules, Jane croûlait sous l'éloge de l'amour à toutes les sauces, je croyais réparer ses blessures.
Cette fille, je l'avais rencontrée à la maison de redressement. Deux éclopés de la vie en quête d'amour...Elle était douée pour le théâtre, elle savait tout faire. Un metteur en scène l'avait repérée, elle jouait Cordélia, la fille du roi dans King Lear. Shakespeare, quand même...Et puis elle a fait son chemin, elle avait une attirance pour tout ce qui était made in USA. Elle a tourné pour des petits films du cinéma indépendant américain. Des bons trucs restés confidentiels, mais Godard lui avait trouvé un tout petit rôle dans Alphaville, une étrange aventure de Lenny Caution.
Un jour, en Italie, les carabiniers ont retrouvé son corps échoué dans les rochers vers Amalfi. Accident, pas accident, on ne saura jamais. ça m'a rendu dingue, même si je savais au fond que Jane et moi c'était râpé depuis longtemps.
J'ai compris comme une évidence qu'il fallait que je sorte en moins de deux de la vague de désespoir qui me tombait dessus.
Alors j'ai fait de la boxe. Tous les jours, une vraie drogue. Je frappais comme un malade, je frappais pour oublier. "soigne ta droite" gueulait Max l'entraîneur qui comprenait bien que c'était pas normal cette rage.
A un moment, j'ai même été tenté de militer dans un parti. La politique, ça me parlait un peu, j'étais révolté dans l'âme, mais totalement inorganisé, rebelle à tout. J'ai rôdé dans des organisations: trotskistes, libertaires, anars, réformistes, et puis au bout du compte, frustré, quand je me repassais le film Socialisme, j'ai pris le large, tout ça n'était pas pour moi, j'étais à la marge.
Finalement, petit à petit, je me suis requinqué. J'ai rencontré du monde à l'asso, on essayait de se rendre utiles. Il y avait cette fille qui me plaisait bien. Elle causait peu, mais elle en abattait, c'est ça que j'aimais chez elle. On l'appellait"la Chinoise". Un petit format grâcieux et efficace qui chassait ses états d'âme loin du Vietnam en aidant les plus deshérités qu'elle. Fallait le faire! Parfois dans ses yeux défilaient souvenirs, paysages, visages, villages et on la sentait vaciller. Et puis elle se reprenait. Je lui proposais de venir passer un moment quelquefois. Je lui faisais écouter des trucs que j'aimais, qui me touchaient moi même. Je vous salue Marie dans toutes les versions, du Gospel, du Blues, du Baroque. J'avais découvert ça en fouinant dans les dons à l'asso, et puis évidemment Forever Mozart...Elle aimait bien, on s'entendait pas mal, et un beau jour elle est repartie. Une nouvelle vague l'a emportée vers le nord où venait d'arriver une partie de sa famille. Une autre histoire...
Demain, avec Pierrot, on surfe sur notre nouvelle vague à nous, on se casse vent en poupe! L'aventure c'est l'aventure!
C'est parti, une première!
J'aime, Je déteste
J'aime la brume en automne qui caresse les arbres, fait surgir des farfadets, des lutins, des djinns, des trolls, des hobbits, des gnomes et autres, baigne l'herbe assoiffée d'une douce rosée, nimbe d'une écharpe veloutée les dernières roses de la tonelle.
J'aime la nuit douce et apaisée qui succède au jour bruyant de cris, de klaxons, de bagarres, de tintamare divers qui me portent sur les nerfs.
J'aime l'aurore aux douces nuances rosées qui annonce une belle journée, même si ce n'est pas jusqu'à la nuit tombée.
MAIS
Je déteste qu'on me prenne pour une imbécile quand je dis ce que j'aime ou n'aime pas et qui ne convient pas à tout le monde.
Je déteste les polémiques dans lesquelles on veut m'entrainer et qui finissent, presque toujours, par une sorte de combat déloyal.
Je déteste le noir et le beige, même si ça fait très "classe", le noir pour moi est un jour sans soleil et le beige un sable sale.
Je déteste aussi les tripes, gras double et autres cochonneries pour moi ainsi que les huîtres qui me soulèvent l'estomac.
PAR CONTRE
J'aime les calamars, supions, poulpes, oursins, moules et compagnie qui mènent joyeuse vie dans la mer et n'imaginaient jamais qu'un jour ils finiraient dans mon assiette.
Je déteste les consensus qui affaiblissent les petits et renforcent les puissants qui, alors, se croient tout permis et clament haut et fort leur prétendue victoire.
Je déteste le clair obscur dans les discussions mais Je l'aime chez Caravage et autres peintres.
J'aime le doux zéphyr du printemps qui caresse les bourgeons, réveille les abeilles, parfume les prés, fait chanter sources, ruisseaux, rivières, fleuves, mares et étangs, lacs et lagunes.
ALORS QUE
Je déteste la bise de l'hiver qui nous gèle pieds, mains et nez, et nous oblige à porter cache-misère, mitaines et autres camouflages.
Je déteste les discours politiques et leurs cortèges de mensonges et d'enfumage et veulent nous faire croire que nous sommes des imbéciles, des gens de peu, des "petites gens", que nous devons les suivre eux et leurs idées qui nous conduisent à notre perte, pauvres de nous, mais à leur seul profit.
En fait ce que J'aime et ce que Je déteste s'équilibrent assez bien et dépendent très souvent de l'époque comme ce fut le cas pour Picasso, Wagner et bien d'autres.
Natacha ou les tribulations et les joies d'une aventurière
Erzurum, Turquie, 1922 un soir, c'est sûr, lequel, je ne sais plus mais clairement tout commença par un éternuement, pas n'importe lequel, une sorte de tsunami de morve qui percuta directement Natacha, en train de bavarder avec le Pacha de Janina qui tentait éventuellement sa chance avec elle. Natacha, d'après ses dires et certaines rumeurs, était originaire de Moscou, ses parents avaient des relations plus ou moins proches avec la famille du tsar déchu, et elle avait réussi à fuir de façon chanceuse à bord d'une troika tirée par des chevaux bais dont les grelots tintinabulaient joyeusement. Comment avait elle franchi les frontières, elle ne s'étendait pas sur le sujet mais avec sa beauté et sa plastique, le hasard n'y était sûrement pour grand chose! Le Pacha se précipita pour lui essuyer cette morve disgracieuse mais en se levant il réalisa qu'il était ivre et qu'il allait s'écrouler lamentablement sur la table et faire voler en éclat les verres et l'arak qui rafraichissait dans un sceau à glace dont l'entretien avait de toute évidence laissé à désirer. Il choisit donc l'option la plus lâche à laquelle il pensait et fit un esclandre. Il insulta celui qui était, d'après lui à l'origine de l'éternuement, un géorgien à la moustache épaisse, bien gras qui devait se goinfrer de cochon ou bâfrer du lard au petit déjeuner. Mal lui en prit car Daghilev, tel était le nom de cet individu originaire de Tbilissi, n'avait rien à voir avec le problème et qui plus est, avait été ou peut être l'était il encore, le souteneur de Natacha qui lors des discussions laborieuses avec le Pacha lui avait passé ce détail sous silence. Daghilev n'hésita pas longtemps et visa astucieusement le Pacha, non pas d'une flèche comme Robin des Bois l'aurait fait à Sherwood pour défendre Lady( je ne sais plus son nom) mais d'un coup de sabre avec lequel, d'ordinaire il ouvrait les bouteilles de mousseux avant d'entamer une bouffe gargantuesque. Le Pacha balbutia quelque chose, nul ne saurait dire quoi sauf, peut être Natacha qui en avait vu d'autres et notament un régiment de cosaques qui l'avait dépucelée il y a de ça quelques années. Le Pacha s'écroula dans un bain de sang, rouge du drapeau turc au croissant et rendit son âme à Dieu qui n'en voulut point tant elle était sale. Certains diront oui mais c'était la morve mais en fait non, il avait l'âme noire comme une mine de charbon et seul le fait qu'il n'avait pas couché avec Natacha lui valut une peine plus légère, ce qui n'est qu'une supposition. Natacha était désèspérée et d'un air primsautier tourna son visage d'icône orthodoxe vers Dhagilev qui lui fit réciproquement un sourire crispé. Mais, me direz vous, qui avait donc éternué, point de départ des ennuis de Natacha qui pensait bien avoir fait le plus dur avec le Pacha? Revenons à cet homme enrhumé qui avait provoqué tous ces problèmes et laissons Natacha méditer à sa table. En fait le Pacha avait été induit en erreur par un ventilateur surpuissant, la climatisation n'ayant pas encore fait son apparition dans l'Est de la Turquie, et donc le jet vigoureux de l'homme, qui, on le sut plus tard avait une rhinite chronique, avait été dévié par la soufflerie et atteint la pauvre Natacha qui n'en pût mais! L'auteur, qui lâchement se tût était un Tchétchène légèrement égaré en Turquie, qui, en suivant sa fille partie avec un joueur de bouzkachi afghan, l'avait finalement perdue et s'était retrouvé loin de son Caucase natal et interessé par Natacha. Voyant que cette dernière était désormais seule à sa table, le Pacha définitivement hors course, il tenta de prendre contact avec elle. Sitôt assis, Erdoscha, tel était son nom vit fondre sur lui Daghilev dont le taux de téstostérone avait augmenté dans des proportions que seuls des caucasiens peuvent comprendre. la seule qui ne comprit rien fût Natacha qui malgré les troupeaux qui lui étaient passés dessus restait blanche et naive. Les deux loustics s'affrontèrenet à l'arme blanche et le sournois tchétchène ouvrit délicatement le ventre du gras géorgien, faisant goutter un sang épais sur ses merveilleuses chaussures noires et blanches, du sang AB+ que détermina directement Erdoscha, un expert dans ce domaine. Débarassé de toute concurrence, en apparence, il prit entre ses mains poilues, oui il était vraiment très velu, et pas que des mains, celles de Natacha et commença à lui conter fleurette. Natacha ne savait plus très bien où elle en était d'autant que notre tchétchène bégayait légèrement et que Natacha ne comprenait que le russe. Que comprit elle de ce que lui dit Daghilev, nul ne peut le dire mais toujours est il que quelques années plus tard un officier de la Wermacht, un certain Werner, qui cherchait Sebastopol s'était retrouvé à Samarcande. Il se retrouva un soir dans un club où chantait et dansait une femme qui s'appelait Natacha. Werner ne parlait pas russe mais les 15/20 ans pendant lesquels Natacha avait bourlingué lui avaient permis de comprendre de nombreux idiomes dont l'allemand du sud que l'homme de la Wermacht parlait. Elle avait pris des hanches Natacha, du ventre aussi mais pour les danses orientales c'était parfait et à Samarcande on en raffolait. Elle était plus lourdement maquillée bien sûr, mais plus personne ne se souvenait des temps glorieux d'Erzurum où les hommes l'innondaient de dollars et de livres turques et de promesses jamais tenues. Elle raconta sa triste vie à Werner, son errance d'un bouge à l'autre, vendue et revendue, tant et si bien qu'elle ne savait plus si elle était libre ou toujours propriété de quelqu'un. Et de fait Daghilev était mort depuis quelques années de la petite vérole mais Natacha ne s'en était pas rendu compte et tout le monde profitait d'elle. Werner, ému, balbutia quelques mots dans un russe très approximatif, elle sourit à l'évocation de sa langue natale qu'elle n'avait plus entendue depuis longtemps quand soudain un éternuement énorme secoua la salle, elle frémit, eût un hoquet, un spasme et trépassa.
Nouvelle vague
Mai 68.
Les pavés volent, les voitures brûlent, les CRS chargent matraque au poing. La fumée des lacrymogènes jette du gris dans cette nuit submergée de cris, de vociférations et de slogans. Sur les murs des graffitis clament un désir de liberté : ´vivre sa vie’, ‘tout tout de suite’, ´il est interdit d’interdire’. La foule monte et redescend, et c’est une course sans fin jusqu’à être à bout de souffle. Les coups tombent de ces hommes sans visage : 100, 200, 300, 400 ! Peu importe ! Deux mondes s’affrontent. Celui qui veut briser les chaînes et celui qui veut les maintenir. Commencé un soir un soir de semaine, les jours se suivent donnant au week-end un air semblable de moments où l’heure et le jour n’ont plus d’importance.
Un homme, le visage grimé, dépoitraillé, hurle en se frappant la poitrine.
- je suis Pierrot. J’ai fui de Charenton. Oui c’est moi le grand agitateur. Pierrot le fou qu’ils disent. Le redoutable qui chie à la gueule des bourgeois. Et moi je ne serai jamais un petit soldat. J’ai été trop longtemps sage comme une image. Je ferme le livre. Plus de livres d’images. J’ai tué la femme avec qui j’étais marié. Elle s’appelait Carmen, la garce ! Et oui avec ce prénom Carmen elle n’en était pas moins une garce. Je sais 2 ou 3 choses d’elle que j’ai dit un jour à un pote, mais ça ne change rien. Ça ne donnait pas la clé de ce qu’elle était. Masculin féminin = one + one ? Non ! Je t’en ficherai ! Quand tu n’peux plus affronter le masculin féminin, ça ne peut plus coller. J’ai perdu la tête. Elle a détruit notre musique. Et tout a été enlevé par le vent d’est. Mais maintcenant tout va bien. Je ne supportais plus le mépris qu’elle m’adressait. Alors j’ai réagi. Le Pierrot il voulait vivre encore. Alors j’ai hurlé et me suis enfui. Sauve qui peut la vie n’est ce pas ? Et maintenant dans ce charivari je crie et je cherche celle qui pourrait être ma nouvelle Cléo de 5 à 7. Et dans ce fleuve de cris, de sirènes, de corps agités, oui je peux hurler ma liberté car Paris nous appartient. Et après tout une femme est une femme. Je ne vais pas me mettre la rate au court-bouillon. Maintenant je fais bande à part. De toute façon, je sais comment me satisfaire quand c’est nécessaire. Les révolutions passent et le plus vieux métier du monde persiste. On aura beau lancer le meilleur détective, ici et ailleurs, quand on a connu l’Allemagne année 90, toute passion est abolie. J’ai en moi, au plus profond de moi, le gai savoir. Et ce n’est pas une histoire d’O qui remettra en cause l’amour de la belle Ophélie qui a ému notre cœur avec sa noyade. Une histoire d’eau qui contredit l’histoire d’O où le cœur n’existe plus. Et puis pourquoi je clame tout ça, moi le fou ? Je dois me taire, seul dans cette folie de révolte. Je dis adieu au langage. Je n’enverrais pas de lettre à Jane ni à Carmen. Jane, je ne la connais pas et Carmen est morte ! Hélas pour moi ! Car j’y ai cru au début quand nous faisions l’éloge de l’amour. Elle me disait que j’étais son roi qui chantait avec une lyre. J’étais son roi Lear ! Ah ! Ah ! Ah ! Son roi Lear. Quand je raconterais tout ça aux carabiniers, pardon aux gendarmes, je leur dirai ´soigne ta droite ´, car je suis capable de cogner tous ceux qui me diront maboule. Arrête de faire la Chinoise ! Que je lui disais. D’ailleurs à présent tu es loin du Vietnam. Et au lieu de lui lancer ´je vous salue Marie ´, je lui disais, ´je te salue Li ‘, car c’est ainsi que tu te prénommais. Je t’avais appelée Carmen car tu avais le feu en toi, comme la cigaretière. Tu seras même au delà de la vie ma Carmen for ever. Et tiens ! Je te ferai jouer le requiem de Mozart, si on me retrouve. Tu te souviens ce dies irae qui nous faisait frémir …
La nouvelle vague est présente mais, comme toutes les vagues, elle viendra mourir sur la rive en laissant les scories qu’elle portait avec elle. Vivre et mourir sont des vagues qui se suivent, et lorsque dans un bain d’écume, l’eau pénètre le sable, tout ce qui a vécu disparaît.
Natacha
Natacha était assez aventurière en fait. A chaque épisode de sa vie, elle prouvait son désir de découvrir et de se confronter à de nouveaux défis. Parfois hésitante et déambulant dans un dédale labyrinthique, elle lançait son regard dans l’espace parfois vide.
Captant des ondes bienfaisantes, tout son corps se faisait frémissant à l’idée de nouvelles aventures. Le hasard fit que cette fois ci, elle décida de sa destination en tirant un mot au hasard d’une bafouille rédigée par un preux chevalier rencontré lors d’une de ses croisades en terre inconnue.
Ainsi, le projet qu’elle avait en tête n’était ni plus, ni moins que se rendre en Palombie inférieure. Une crapule honteuse avait réussi à la convaincre de se rendre dans cette contrée merveilleuse. Enfin merveilleuse, ça c’était le discours de la crapule très forte en discours et autres balivernes.
Natacha préparait avec hâte son nouveau voyage démontrant ainsi sa ferveur dans les défis qu’elle se lançait régulièrement. La veille du départ, elle assistait à un conclave religieux qui n’avait aucun rapport avec son projet de découverte de la Palombie inférieure. Mais elle était comme cela Natacha : pleine de contradictions, elle étonnait tout son entourage.
Le jour J était arrivé. Elle bredouilla quelques mots secrets dans un langage connu des seuls initiés. Pendant qu’elle prononçait son jargon, son vaisseau spatial chauffait. Il ronronnait paisiblement attendant le signal du départ. Elle s’engouffra très vite dans son astronef. Bien entendu, elle avait revêtu sa combinaison en schmoldu pressurisé à doublure interne compensée en peau de Gila à langue bleue.
Au travers du hublot, elle salua une foule peu nombreuse. A ses ordres le vaisseau décolla presque sans bruit, dans une lumière étincelante. L’engin fila très vite vers sa destination programmée. Régulièrement, le vaisseau lançait ses coordonnées GPS dans l’espace intergalactique.
Trois parsecs plus tard, Natacha arriva à sa destination finale. Avant de sortir, elle avait vu emballé sous vide, un appétissant Apfel Strudel aux pommes déshydratées et confites de Bavière. Elle s’empressa de la manger et poussa un profond soupir de satisfaction à la fin. Ce repas fut le bienvenu.
Revêtue de sa combinaison à l’épreuve du temps et des ondes, elle sortit avec précaution de son vaisseau. Celui-ci, grâce au pilotage automatique s’était posé dans une sorte de mer intérieure au revêtement inconnu, mais assurément moelleux. Instinctivement, elle se rendit compte que la Palombie inférieure était accueillante, voire douce. Pas besoin de lui faire un croquis à Natacha, elle savait que cette destination était la bonne.
Elle qui rêvait de douceur et de câlins, elle était servie. En effet, des elfes blancs naviguaient sans bruit dans un azur céruléen, prodiguant des caresses avec des plumes d’Autruches Moldaves. Leur douceur incomparable provoquait des spasmes de plaisir à tous les invités.
Un peu fatiguée par son voyage, elle se rendit dans des alcôves où des lits aux jets d’air faisaient léviter chaque corps dans une vision surréaliste. Des électrodes venaient stimuler certaines zones du cerveau pour apporter une relaxation totale de l’esprit. Suprême délice, des couvertures multi-sensorielles garnies de palpeurs, venaient flirter avec la peau de chaque invité, délivrant ainsi des moments d’extase d’une sensualité sans pareil.
Se laissant aller à des délices presque inavouables, que seule la Palombie inférieure pouvait procurer, Natacha sombra dans une plénitude physique et mentale des plus apaisantes.
A son réveil, l’air était chargé d’effluves de tubéreuse et de jasmin sambac. Une douce musique provenant d’une grotte mystérieuse faisait vibrer l’air avec délice. Le temps semblait s’être arrêté. Les êtres vivants n’étaient que douceur et bonté. Ce monde trop parfait lui rappelait ses cousinadescroquignolesques qui hantaient son passé.
Mais peu importe, cette nouvelle aventure lui convenait à merveille. Elle décida de prolonger son séjour. Elle s’enivra sans modération de fragrances subtiles de ce monde aux teintes mirifiques. Rien ne venait troubler ce bonheur intense à la fois spirituel et physique. Elle décida d’arrêter là sa quête d’aventures. Elle alla saborder le vaisseau et s’endormi dans un hamac ouaté garni de bulles d’une folle sensualité…
Calendrier des ateliers d'écriture PLUMALIRE du 12 septembre 2022 au 4juillet 2023
lundi 14.30/16.30
mardi 10.00/ 12.00
mardi 19.00/ 21.00
Mois | Lundi Mardi |
Septembre | 12, 19 13, 20 |
Octobre | 3, 10 4, 11 |
Novembre | 7, 14, 21 8, 15, 22 |
Décembre | 5, 12 6, 13 |
Janvier | 9, 16, 30 10, 17, 31 |
Février | 6, 27 7, 28 |
Mars | 6, 20, 27 7, 21, 28 |
Avril | 3 11 |
Mai | 8, 15, 22 2, 16, 23 |
Juin | 5, 12, 26 6, 13, 27 |
Juillet 3 4
Cancans malouins.
Tiens voilà le vent d’Ouest ! J’aurais mieux fait de rentrer le linge avant de partir, lança Anne avec une voix bougonne dans le salon de coiffure désert de la haute ville de St Malo, salon où elle faisait le ménage.
Effectivement la lumière déclinait l’obligeant à allumer la lumière dans le salon. Dans les miroirs, dont aucun reflet ne montrait des dames en désir de beauté, elle vit en les essuyant le visage fripé d’une femme qui supportait de plus en plus mal le poids des ans. Se penchant pour enlever d’un coup de chiffon la zébrure de quelque tache, elle sentit une de ses nombreuses douleurs lui pincer les reins, et se redressant la main sur le bas du dos, son pied heurta le bas évasé du fauteuil. Elle laissa échapper une de ces phrases qu’elle créait d’après certains dictons et qui lui étaient personnels. ‘Si un orteil te fait mal, tire-toi l’oreille, tu n’auras plus mal à l’orteil’. Jeter ces mots la ragaillardit.
Son travail fini elle sortit après avoir éteint toutes les lumières et refermé à clé la porte en écoutant le tintinnabulement du carillon marquant toute entrée ou sortie.
Il faisait sombre et les rues étaient peu animées. Elle claudiquait sur les pavés encore mouillés des récentes pluies, quand elle vit s’approcher, toute courbée et serrée dans son manteau noir Mme Germaine Ledu qui, pipelette comme elle était, ne manqua pas de s’arrêter devant elle dans l’espoir de glaner quelques cancans.
- Alors ma doué ! Ça va t’y comme vous voulez ?
- Dame oui. À part les vieilles douleurs qui sont de plus en plus nombreuses. Et vous ?
- Moi vous savez je n’m’écoute pas. Je n’suis point comme tous ces jeunes qui dès qui zont un pet d’travers sont fourrés chez l’medecin. Moi j’me dis ‘repasse tes peines au vent et amasse les joies qui t’rapporte’. Voilà c’que j’me dis bonne mère.
- Dame oui, les peines ce n’est pas comme les sous, on les amasse plus vite sans effort.
- Vous avez su c’qu’est arrivé à la Marie Jeanne, vous savez la femme du cabaretier ?
- Dame non. Vous savez moi je vois peu de monde.
- Et ben. Elle a été surprise à fricoter avec le petit Alphonse, le mitron du boulanger. Remarquez ce n’est pas la première fois.
- Bonne mère ! Et alors ?
- Alors rien. Mais vous savez c’qu’on dit : ‘la femme adultère frôle parfois la violence qui peut la conduire au cimetière’. En tout cas ça fait jaser. L’autre fois j’étais chez le coiffeur, celui chez qui vous travaillez, et bien les langues travaillaient dur. Et moi j’vous dis : ‘si vous voyez une greluche à sa fenêtre, écoute ce que dit la perruche’.
- C’est ben vrai. Faut dire qu’elle s’prend pas pour rien la Marie Jeanne. Tous les jours une toilette nouvelle. Et j’te fais ti pas des œillades par ci, et des œillades par là, à faire des bons mots à haute voix pour être sûre d’être bien entendu. Tenez, l’autre jour elle parlait de Monsieur Édouard, vous savez celui qui écrit dans la gazette malouine, un monsieur discret. J’vous l’donne en mille. Et bien elle a dit : ‘Il n’y a pas de différence entre une cacahuète et un poète. L’une t’irrite la gorge, l’autre te fatigue l’esprit’. J’vous jure ! Où c’qu’elle va chercher tout ça.
- Et ben moi j’l’ai entendue chez l’patissier qui disait : ‘À la mi-carême embrasse ton ami et lance une tarte à la crème à ton ennemi’. Et si vous aviez vu le regard qu’elle lançait au p’tit commis. Il en rougissait jusqu’aux oreilles, comme ses tartes aux fraises.
- Dame c’est pas croyable. Bon ! J’dois rentrer et pis j’crois qui va pleuvoir. I faut que j’rentre mon linge avant qu’il soit trop tard. Allez adieu Mme Germaine. À la prochaine.
- Adieu Mme Anne.
Anne reprit sa marche cahotante.
- Dites donc Mme Germaine c’est y pas qu’vous boitez bougrement ?
- Dame oui. Et vous savez : ‘orteil qui gratte, oreille malade’.
- C’est ben vrai. On n’fait pas du neuf avec du vieux.
Et la rue laissant filer tous ces cancans portés par le vent retrouva le silence.