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Atelier d'Ecriture "PLUMALIRE" à Nice, Alpes Maritimes
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  • Faire pétiller ses idées. Ecrire en s'amusant avec des jeux-consignes. Stimuler sa spontanéité, son imaginaire. Ecrire en riant récits, contes, haïkus, etc... dans une atmosphère conviviale. Lire autrement.
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3 mai 2010

Les voleurs de curcuma

zizi

 

Les voleurs de Curcuma

C’était devenu un geste zinzin à chaque fois que je rentrais de l’école, je balançais mon cartable dans un coin au risque de casser mes fusains, je sifflais un air au zizi dans sa cage, je prenais mon fusil en bois et je courrais rejoindre mes copains en bas de l’immeuble. Ma mère récitait sa rengaine « Le poison de la rue va te faire trébucher ».


Quand j’étais son petit, c’était différent. Elle avait fait écrire un mot magique par un homme sorcier pour faire de moi un savant docteur qui saurait guérir le béri-béri. Et elle était persuadée que la magie fonctionnait à merveille quand elle me regardait étudier tout en surveillant la cuisson du riz qu’elle nous servirait avec le carry habituel.


Quand j’étais son petit, sitôt rentré de classe,  mes devoirs et mes leçons absorbaient tout mon temps, mon énergie, ma santé,  m’usaient comme de l’émeri. Alors pendant que je travaillais sur la table de la cuisine, elle tenait mes frères et sœurs à distance (eux qui écoutaient de la musique ibère) pour laisser l’air nécessaire à mon esprit.

A ma mère, j’étais son petit qui allait devenir grand. Elle m’apportait des gâteaux de miel aux graines de berce qu’elle avait cuisinés pour moi par temps d’averse.berce_hm_1

Mais un jour, je suis devenu grand et acerbe. Brutalement et sans fumer d’herbe. A cause de Dieu. Il a tué mon père.

Je me souviens très bien de ce jour carré dans ma tête. Celui où je suis un peu devenu mort moi aussi, comme emporté par une marée.

J’étais avec ma mère à la maison. Quelqu’un a sonné à la porte et elle m’a dit : « Va ouvrir, ton père a sonné. Il a dû oublier ses clefs. »

Et j’ai couru à la porte. J’ai ouvert, mais ce n’était pas mon père du tout. Je ne pouvais le nier. C’était un autre homme. Un travailleur comme lui, on pouvait s’y fier : ça se voyait à son nez, sur sa figure, et puis aussi au blouson en skaï bleu marine qu’il portait et même au sac en toile à carreaux dans lequel les ouvriers mettent leur manger pour le casse-croûte. C’était son chef.


« Bonjour p’tit ! Ta maman est là ? » a demandé le chef. Ma mère ne pouvait pas bien comprendre ce qu’il allait dire, ni non plus bien lui parler. Elle lui a dit : « Venez ». Il lui a jeté à la figure le mot DCD. Elle apprit cela comme une injure à sa race.

Il lui a dit :  « Un accident du travail… de la casse… » Alors elle s’est effondrée sur le carrelage comme un canard ayant reçu un coup de hache.


Moi, je suis devenu grand et vieux en même temps. Je n’avais cure de ses explications. Mon père était mort au travail, la figure dans une cuve de pétrole à nettoyer, masque à gaz serrant son visage pour retirer l’écume, pas des jours, mais des riches pétroliers.

Depuis ce jour, mon cœur s’est mis à battre à contre-temps, comme sur une enclume, coincé dans une armure à la fermeture cadenassée. Depuis ce jour, j’ai balancé mon rêve de devenir un docteur savant. Si j’avais connu, je serais devenu un carme sans charme.

Je n’aurai plus rêvé d’emmener sous la ramée ma future petit amie formée comme moi par l’école avec l’envie d’apprendre le calcul, les affluents de la Seine, l’histoire des rois Louis, les récitations de Paul Verlaine.


Quand mon père est devenu DCD, j’ai vu que la vie, c’était comme les lettres de l’alphabet écrites en macramé, qu’on pouvait clamer fortement ou dans un murmure, s’arrêtant aux premières lettres A, B, DCD…

Après, c’est plus la peine d’apprendre tout de A à Z, quand on n’est pas sûr de dépasser le D.

On est alors comme des harengs dans la saumure.

A. G.
3 mai 2010

Certains attribuent le nom latin de la berce (Heracleum maximum) au demi-dieu Héraclès (devenu Hercule chez les Romains) à cause de la très grande taille de la plante et de l'impression de force qu'elle dégage. Les noms de « grande berce » (H. spondilyum), « berce très grande » (H. maximum) et « berce géante » (H. mantegazzianum – voir mise en garde dans la section Précaution) témoignent d'ailleurs tous de l'impressionnante taille de la plante qui, selon les espèces, peut atteindre de 1 à 3 mètres.

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