ELINKINE
Toubab, toi qui débarque à Elinkine,
T’as intérêt à prévoir la quinine !
Sous les tropiques, à l’équateur,
Moustiques et toi baignent dans la moiteur.
T’as beau sortir la moustiquaire,
A l’aube, t’es rongé d’urticaire.
Tout boursouflé, te voilà couvert de quolibets,
Qu’entonnent en rigolant mamas et talibés[2].
Immole un bœuf blanc aux ancêtres,
Apporte la Kola[3] rouge aux prêtres,
Va palabrer des heures sous l’flamboyant
En t’éventant de rameaux de banyans…
Tes bobos s’envolent en écoutant des fables,
Ainsi s’évanouiront tes humeurs trop instables.
Toubab, tu guériras en goûtant l’atiéké[4],
Mais si tu le préfères, on te f’ra du mafé[5]
Qu’on déguste à Dakar ainsi qu’à Abidjan
Et qui font des prodiges autant qu’un talisman.
« Vivre déraciné, c’est vivre l’enfer
Mais avec nous, Toubab, faut pas t’en faire,
Chez les Wolofs[6] ou les Bamilékés[7]
T’es comme chez toi, c’est ça l’ubiquité.
Et comme tu es sympa, on t’a fait un grigri
Qui te stimulera pour la polygamie.
Là-bas, derrière la case, caché par l’hibiscus,
Le sorcier t’a sculpté un très joli phallus
Qui provoque chez les filles des éblouissements
Pouvant aller parfois jusqu’aux rugissements.
Quand dans la brousse en feu fait rage l’incendie
Sous le toit de la case, Eros, lui, sévit !
Tu vois, il faut venir bronzer à Elinkine
Où éclatent la joie et le rire des gamines.
Alors n’écoute pas les langues de serpents,
Et de l’Afrique enfin, cède à l’envoûtement.