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Atelier d'Ecriture "PLUMALIRE" à Nice, Alpes Maritimes
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  • Faire pétiller ses idées. Ecrire en s'amusant avec des jeux-consignes. Stimuler sa spontanéité, son imaginaire. Ecrire en riant récits, contes, haïkus, etc... dans une atmosphère conviviale. Lire autrement.
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16 octobre 2023

Atelier Nabokov

"Sans fard, le cheveu terne, serré dans son plus vieux kimono (...), Marina reposait sur son lit d'acajou, sous un édredon jaune d'or, buvant une tasse de thé au lait de jument, une de ses marottes". Dans cet antique boudoir, elle avait accumulé des livres anciens et des estampes japonaises dont elle avait hérité de ses ancêtres, des acrobates mongols qui lui avait légué leur souplesse dans tous ses gestes.
Marina se décida à s'approcher de son orgue à parfums. Elle avait la ferme intention de mettre au point un nouvel extrait qui lui avait été commandé par la Maison Christian Dior. Elle avait d'ailleurs rendez-vous à six heures avec le directeur artistique pour lui proposer ses dernières créations. Elle avait quelques heures devant elle pour préparer la présentation des différents élixirs. Le premier flacon était temporairement intitulé "le flot noir de sa chevelure" et le second "l'imagination d'un romancier". Le choix des noms relevait du pur arbitraire. In fine ce serait l'équipe marketing et les littéraires de service qui décideraient du nom ad hoc pour la senteur retenue. Les collègues de Marina, "nez" dans d'autres grandes maisons se contentaient de numéroter les jus qu'ils concoctaient. Mais elle tenait à ce pouvoir d'incarnation faisant d'elle un deus ex machina.
Elle s'installa devant l'orgue le temps pour elle d'élaborer un autre jus : elle prépara cinq flacons pour la note de tête, trois flacons pour la note de cœur et sept flacons pour la note de fond. A l'aide d'une grande pipette, elle définit les dosages pour chacun et laissa une part importante à l'oud, à la vanille et à la bruyère. Le mélange achevé, elle huma le résultat et l'intitula "le boudoir des âmes passées", parfum poudré s'il en était. 
Il était cinq heures et il lui restait juste le temps de se préparer puis de respirer une dernières fois l'ensemble de ses créations. Quand tout à coup jaillit Yvette, sa fille de quatorze ans qui se précipita pour embrasser sa maman. 
- Chérie s'il-te-plaît retourne dehors jouer avec tes amis, j'ai encore du travail et ta présence n'est pas requise pour l'accueil de Monsieur Oblomov.
Une heure plus tard apparut un homme efféminé à la porte d'entrée muni de deux mallettes noires en cuir. Vêtu d'un shocking gris de fumée, il portait beau. Marina ne le connaissait que depuis deux ans, date à laquelle il était venu de Russie en France. Désormais c'était lui qui faisait la pluie et le beau temps chez Dior. Marina savait qu'elle n'avait pas le droit à l'erreur avec l'homme clef de la création.
Elle invita Oblomov d'un geste en lui disant "assieds-toi Van chéri, j'ai quelque chose à te dire : "cousinage, dangereux voisinage". -Que veux-tu dire par là ? Tu serais un amour si tu t'exprimes autrement que par tes formules sybillines"
- Van, j'essaie simplement de préparer ton esprit à la nouveauté que représente la dizaine de jus que j'ai à te proposer.
- Tu m'intrigues déjà !
- Avec cette dizaine d'extraits, j'ai décidé d'orienter mes recherches vers des horizons nouveaux, très lointains comparés à ceux explorés habituellement par notre Maison.
- Pourquoi pas cette soif de nouveauté, mais il va me falloir trouver une astuce pour convaincre tout le staff de la nécessité d'un virage à 180 degrés dans la démarche olfactive de Dior. 
- Laisse-moi te présenter Brumes de l'Aubrière, mon premier essai
- Je trouve ta nouveauté un peu fade, la note de cœur n'est pas assez gourmandes et le sillage complètement inexistant. Chou blanc !
Marina ne se déconcentra pas pour si peu. 
- voici Escale des jours futurs. J'ai construit cette senteur sur une note de mousse et de cassis mâtinée de santal...
- Peut-être un peu trop tenace cette fois-ci. La femme Dior n'égale pas un parfum aux limites du vulgaire.
Marina quoiqu'un peu vexée ne dit rien. Elle savait que la présentation irait crescendo vers les extraits les plus susceptibles d'emporter l'adhésion d'Oblomov.
Elle présenta donc les trois jus suivants sans plus d'émotion.
Enfin on parvint au sixième parfum " L'envol dans la canopée". Le vis-à-vis de Marina se fit silencieux, il huma d'un air approbation l'élixir, secoua le papier parfumé pour en apprécier toutes les nuances. Finalement il s'exclama " Celui-ci est une réussite. Son empreinte olfactive est tout à fait innovant. Je garde cette proposition.
Marina sentit l'étau desserrer son étreinte. Elle savait qu'elle avait d'ores et déjà gagné la partie puisqu'elle avait créé les suivants sur l'intuition fondamentale qu'il fallait renouveler les codes de la Maison.
Soulagée elle présenta "le flot de sa chevelure noire", un parfum aromatique totalement inattendu qui surprit agréablement le directeur artistique. 
- J'adore la délicatesse avec laquelle tu as dosé le patchouli. C'est un choix hasardeux mais très convaincant. Intéressant mais sans doute un peu trop éloigné de ce que notre clientèle apprécié... c'est à voir avec l'équipe de Paris.
Il me reste donc trois senteurs pour te convaincre que tu n'es pas venu en pure perte.
"L'imagination d'un romancier" sur un accord cuivré et vanillé tempéré d'un zeste d'agrumes. Je l'ai inventé après la visite de la bibliothèque Mazarine.
Enfin " le boudoir des âmes passées" un jus fleuri et poudré tout à fait dans l'air du temps
- Celui-ci est trop proche d' Audace, le parfum-phare de nos concurrents.
- j'attendais cette remarque, il sert surtout de transition vers mon dernier élixir  Jouvence sublime", un extrait d'iris, de mandarine et de chanvre. C'est le plus original, Ivan es-tu satisfait ?
- Je reconnais que le mot satisfaction n'appartient pas à mon vocabulaire mais je retiens ces quatre parfums. Tu as touché l'âme de ton directeur artistique préféré. J'irai demain au service marketing pour voir leur réaction. Continue néanmoins dans cette voie, on se revoit dans quinze jours...
Mari a soupira d'aise à peine Oblomov parti. Elle avait été sur des charbons ardents tout l'après midi : elle méritait bien un remontant. Et elle se servi un champagne  blanc de blanc de Ruinard.
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