Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Atelier d'Ecriture "PLUMALIRE" à Nice, Alpes Maritimes
Atelier d'Ecriture "PLUMALIRE" à Nice, Alpes Maritimes
Atelier d'Ecriture "PLUMALIRE" à Nice, Alpes Maritimes
  • Faire pétiller ses idées. Ecrire en s'amusant avec des jeux-consignes. Stimuler sa spontanéité, son imaginaire. Ecrire en riant récits, contes, haïkus, etc... dans une atmosphère conviviale. Lire autrement.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Derniers commentaires
16 octobre 2023

Atelier Nabokov

L’amour déchiré.
Vladimir entendit le choc de la tasse de porcelaine sur la soucoupe.
« Encore une qui ne va pas durer longtemps », pensa-t-il.
Par la porte entrouverte, il aperçut Marina à nouveau couchée qui allumait une de ses cigarettes turques qu’elle fumait toujours. « elle n’arrêtera jamais de fumer couchée ! Pourtant je ne compte plus les draps troués par les brûlures de cigarettes. Décidément, rien ne la changera.
Quand je pense à la jeune fille de 14 ans qui m’a séduit dans ma jeunesse. Quelle beauté ! Quelle élégance naturelle ! Elle était vive, s’intéressait tant à la poésie. C’était un bonheur d’être à ses côtés. Quand elle apparaissait dans un lieu, tout le monde la regardait sans qu’elle fasse quoi que ce soit pour se faire remarquer. Le flot noir de sa chevelure brillait au soleil ou sous les lustres des salons. Son visage s’éclairait d’un sourire aux lèvres tentatrices et son regard améthyste hypnotisait tout le monde. Même les femmes, la regardaient fascinées. Cette fascination effaçait toute jalousie. La jalousie naissait plus tard quand elles remarquaient que Marina passait sans mépris mais sans céder à la pression du public.
Je me souviens de ce rendez-vous à 6h devant le palais d’hiver. C’était déjà le grand froid qui envahissait la ville et dans ses avenues couvertes de neige, les traîneaux avançaient glissant avec un crissement de neige écrasée. À 6h pile, elle descendit d’un traîneau, tiré par deux magnifiques chevaux alezan dont l’haleine sortait en brouillard de leur bouche serrant le mors.
Enveloppée d’un long manteau de zibeline, ses cheveux noirs serrés dans une toque en fourrure, tout cela, créait l’image d’une icône qui avançait en semblant glisser dans le soir. Comme nous allions entrer dans le restaurant qui brillait de mille feux chassant le noir de la nuit glaciale, nous vîmes un attroupement de badauds qui, malgré le froid, regardaient les acrobates mongols exécuter, torse nu, de brillantes voltiges sous les applaudissements du public.
Cette soirée fut magnifique, car c’est ce jour là que Marina accepta de m’aimer et nous construisîmes les rêves les plus fous. Déjà nous imaginions le mariage dans l’église du Saint-Sauveur, les bougies éclairant les icônes, le chœur aux basses profondes envoûtant les âmes, la présence des amis et de la famille.
Tout cela ne fut qu’un rêve fugace car très vite la révolte répétée de la classe ouvrière devint la révolution qui bouleversa tout le pays. Il n’y eut plus qu’une solution pour échapper aux massacres dont l’annonce quotidienne, glaçait le sang. Ce fut l’exil. Nous eûmes la chance de pouvoir nous réfugier à Nice, où nous essayâmes de nourrir un amour, contrarié par toutes les mauvaises nouvelles : parents, morts, destruction du passé et pour compléter ces malheurs, l’assassinat de l’archiduc, François Ferdinand, qui ouvrit les hostilités d’une guerre sans fin.
Vladimir entendit un bruit à côté de lui, qui le fit sortir de sa rêverie. Marina avait quitté son lit et se tenait dans le boudoir. Elle l’ appelait : ´assieds toi Van chéri, j’ai quelque chose à te dire : cousinage dangereux voisinage.´
Vladimir ne cherchait plus à la corriger. Depuis des mois elle l’ appelait Van le confondant avec son cousin Ivan. Décidément, pensa-t-il, c’est la déchéance totale. Même l’imagination d’un romancier ne ferait pas mieux pour décrire cette décadence. Il la regarda se maquillant outrageusement. Il ne lui reprochait pas ce que le temps avait fait de ses traits, de son corps. Le vieillissement est le cours logique d’une longue vie. Mais il pleurait en lui-même ce qui l’avait détruite plus tristement à ses yeux. Elle était devenu une ivrognesse. Il regardait les vêtements qu’elle portait toujours, vêtements de la période heureuse mais qui maintenant la boudinaient, étaient déchirés et tâchés. Il enrageait de voir ce verre et cette cigarette toujours à la main, cette bouche si belle autrefois devenue déformée, avec un rouge criard débordant, cette haleine fétide. Comme il avait aimé la volupté qu’ils avaient dans leurs baisers !
il ne pouvait plus la toucher. Comment un amour comme celui qu’ils avaient vécu pouvait être arrivé à cette caricature de vie ? Plusieurs fois, il avait pensé l’étrangler et se tuer après. Mais au moment de passer à l’acte, il avait vu dans ce regard une détresse qui l’avait arrêté net. Et un instant, la jeune fille descendant d’un traîneau un soir d’hiver, l’avait fait quitter la pièce pour se réfugier dans la chambre où il pleurait son désespoir. Triste destinée.

Publicité
Commentaires
Publicité
Archives
Publicité