L’ange d’après-midi.

L’ange d’après-midi.
L’heure fatale est arrivée. Chaque jour à peine engloutie la douceur qui finit le déjeuner, mes paupières s’alourdissent et je suis oscillant le cortège de mes petits amis qui me guident avec assurance vers ce lit qui sera le berceau d’une douce sieste. La lumière tamisée par le store jaune flamboyant au soleil, le volant agitè d’un friselis comme une image d’hypnose, je m’allonge, aussitôt rejoint et enserré dans la douce chaleur de deux corps qui vont protéger mon sommeil. Je suis bien. Un coulis d’air gonfle légèrement les rideaux. Dans le lointain, quelques feuilles chuchotent. Un ange passe et de son aile lumineuse m’engage dans la torpeur. Déjà un film d’aventures se déroule en mon esprit où se mélangent les flots mousseux de belles vagues qui viennent caresser la Baie des Anges, quelques gros nuages blancs qui jouent à se déformer en silhouettes énigmatiques vaporeuses. Le jeu de l’esprit inconscient est subitement arrêté par une apparition. D’abord imprécise la silhouette bientôt se concrétise. Une forme qui s’allonge en un corps diaphane, un visage lunaire, des ailes chatoyantes de couleurs et une voix douce et grave, anime la vision.
–Tu dors déjà ? Et bien, il ne t’a pas fallu longtemps pour te laisser engourdir. Tant mieux pour moi, je n’ai pas eu à attendre … bon je te parle. Tu pourrais faire un effort et réagir.
–. Qui es-tu ? Que veux-tu ? Je suis fatigué et veux dormir.
–Si tu veux dormir, c’est bien. Mais c’est ton sommeil qui me créé. Si tu veux que je te laisse tranquille, il faut te réveiller. Alors choisis.
–je veux dormir, et que tu me laisses.
–Impossible ! Ce n’est pas parce que ta volonté te quitte que ton inconscient disparaît. Je suis l’ange qui dort en toi. Celui qui s’éveille dans le prisme lumineux qui te fascine quand tu regardes le miroir en face de ton lit. Quand tu me vois alors je scintille de ce bleu que tu adores. Je suis l’ange bleu : celui de la paix, de la créativité, celui qui t’inspire ces phrases que tu n’auras jamais le temps d’écrire, car elles disparaissent avec le réveil.
- pourquoi tu ne viens pas quand je suis réveillé ?
–Parce qu’alors tu te laisses envahir par la jouissance de ce qui vit. La réalité prend le dessus sur la folie des rêves. Tu préfères l’angélisme de la nature à l’abstraite apparition du surnaturel dont je fais partie. Une chance pour toi tu vas toujours vers le même choix et entre ange ou démon tu me choisis toujours. Si tu étais une femme, je dirais que tu es une faiseuse d’anges. Mais toi tu n’arrêtes pas une vie. Au contraire tu lui donnes naissance. Et sans difficulté tu nous invites régulièrement pour satisfaire ce désir d’avoir non pas un ange à ta table, mais un ange dans ton lit. Tu ne cherches pas le paradis car il t’habite déjà. Ça t’étonne ?
–Un peu tout de même. Tous les jours ne sont pas glorieux. Et si tu prétends m’habiter chaque nuit, tu sais bien que certains passages sont douloureux. Si ce n’est pas pour moi directement, c’est parfois pour ceux qui me sont proches.
–C’est vrai. Mais je pense que tu es justement né sous une bonne étoile. Tu prends dans le céleste ce qui magnifie la vie. Malgré ta révulsion pour ce qui te révolte, tu as cette miséricorde qui est également protection pour toi.
- À t’entendre je serai presque divin. Là je trouve que tu exagères. J’ai également des défauts qui nourrissent mon égoïsme.
- oui, c’est normal. Bien sûr tu n’es pas un ange, mais tu sais bien que l’hagiographie des saints est à lire avec précaution et recul. Car s’il y eut des archanges comme Gabriel il y a aussi l’ange Noir de Satan. Et qui dit que ce n’est pas la même personne ? Tout n’est jamais entièrement angélique.
- que se passe-t-il ? Je sens une douce humidité sur ma main et au fur et à mesure tu t’éloignes … Quelle paix !
Je me réveille et vois le doux regard de mon petit chien qui frétille de la queue en me léchant la main. Et la douceur du corps noir de mon chat plongé dans un voluptueux sommeil. Ces deux anges là sont bien réels et brillent par leur tendre présence